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Métronome

Métronome

Titel: Métronome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lorànt Deutsch
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enfoui ce revêtement si profondément qu’il en reste à peine un vague souvenir. Philippe convoque les bourgeois et le prévôt de la ville : en dépit des frais que cela entraînera, les voies principales de tous les quartiers devront au plus vite être pavées de « pierres dures et fortes » sur lesquelles les chariots pourront circuler sans soulever une vase nauséabonde.
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    En 1187, Héraclius, patriarche latin de Jérusalem, arrive dans ce Paris en pleine mutation. Le prélat est porteur d’une dramatique nouvelle qui déchire le cœur de la chrétienté et fait se répandre des torrents de larmes : Saladin, le sultan d’Égypte, a pris Jérusalem ! La ville de la Révélation est aux mains des Sarrasins… Apprenant cette affreuse agression, le pape Urbain III, saisi d’effroi, en est mort sur le coup. Mais pour Héraclius, il existe une autre façon de donner sa vie pour la Ville sainte : partir à la conquête de la Palestine, lever des troupes partout, en France, en Angleterre, en Germanie. Le patriarche vient prêcher la troisième Croisade, avec cet objectif dit, redit, répété, martelé : il faut libérer Jérusalem !
    Cette exhortation, il la prononce dans la cathédrale Notre-Dame en construction. En effet, la vieille église épiscopale Saint-Étienne, passablement délabrée et trop exiguë pour une population parisienne en constante augmentation, a été jetée à bas par la volonté de l’évêque Maurice de Sully. Sur cet emplacement, l’ecclésiastique fait construire depuis plus de vingt-cinq ans une nouvelle basilique.
    Les travaux sont très loin d’être terminés, aussi Héraclius prêche-t-il davantage dans un chantier que dans un lieu de culte. C’est une étendue de pierres taillées, de cordes, de poulies, d’échelles, de poutres de bois, et tout au bout s’élève ce qui est encore une demi-cathédrale : le chœur de l’édifice, splendide et impressionnant déjà. Quatre niveaux s’envolent vers les voûtes dont les nervures descendent des hauteurs et se prolongent sur des piliers arrondis ; tout autour, un double déambulatoire s’ouvre sur de petites chapelles.
    Les tailleurs de pierre, les charpentiers, les couvreurs, les forgerons, les maçons, les charretiers œuvrent sous l’ordre d’un magister qui, sur de grands parchemins, trace des plans et esquisse la plus vaste église qu’il puisse imaginer. Malgré toute la rage impatiente mise par l’évêque pour hâter la besogne, la construction progresse avec une lenteur désespérante. En ce mois d’octobre, comme chaque année à pareille saison, le travail s’engourdit et entre dans une période de léthargie. Le gel à venir risque de gâcher le mortier, alors les maçons posent la truelle, couvrent de paille l’ouvrage commencé, désertent les lieux et attendent paisiblement le printemps pour revenir exercer leur office. Quant aux tailleurs de pierre, ils poursuivent bien leur tâche dans la froidure, mais au ralenti, réfugiés dans des baraques de bois dressées sur le chantier.

C’est dans ce chantier sublime que Héraclius sanglote, crie, menace, annonce le feu de l’Apocalypse si Jérusalem ne se trouve pas libérée, ouvre les portes du Ciel, et les mots terribles semblent monter, s’amplifier, rouler en écho sous les voûtes du chœur. L’auditoire tremble, les paroles du vénérable patriarche inquiètent les puissants et font frémir les humbles.
    Philippe Auguste ne peut faire moins que de participer à cette cause sacrée : la délivrance de la Terre sainte et du tombeau du Christ. D’ailleurs, l’atmosphère est extraordinairement belliqueuse en Europe. À Paris, comme dans tout le royaume et comme en Angleterre, aristocrates et vilains réclament ce périple au bout de la foi. Le roi de France n’a pas trop le choix, il doit partir. Mais pas tout de suite. D’abord, il faut conclure un accord de paix avec Richard Cœur de Lion, le monarque anglais, qui sera de l’expédition. Les deux souverains signent un traité de fidélité : « Nous accomplirons ensemble le voyage de Jérusalem, sous la conduite du Seigneur. Chacun de nous promet à l’autre de lui garder bonne foi et bonne amitié…»
    Et puis, le 15 mars 1190, la reine Isabelle, épouse de Philippe Auguste, succombe en accouchant de jumeaux mort-nés, elle n’avait pas vingt ans. Dix années auparavant, Isabelle de Hainaut, encore enfant, avait été mariée au roi pour des raisons territoriales :

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