Métronome
grande que celle d’aujourd’hui, plus allongée, encaissée et difficile d’accès. Le modeste terre-plein de la fontaine rappelle sa forme initiale, une espèce de triangle qui partait au nord jusqu’à la rue des Carmes et revenait dans le coude de la rue Lagrange.
L’Université de Paris a connu ses prémices ici-même… en plein air ! Sur cette place Maubert, et aussi rue du Fouarre, les étudiants venaient écouter la parole des maîtres.
Rue du Fouarre, place Maubert : pourquoi ?
Fouarre… mot du vieux français qui signifiait « fourrage », parce que les jeunes gens à la curiosité intellectuelle en éveil venaient s’asseoir sur des bottes de foin à peine débarquées des bateaux qui naviguaient sur la Seine.
Et pourquoi Maubert ? Ce nom est une contraction plaisante de Magister Maubus, le nom latin d’Albert von Bollstädt, dit Maître Albert, un dominicain allemand institué maître en théologie à l’Université de Paris en 1245. On trouve d’ailleurs, tout près, la rue Maître-Albert, venelle coudée, qui existait déjà au XI e siècle sous le nom de rue Perdue… Finalement, cette rue n’a pas été perdue du tout : elle existe depuis mille ans et a traversé sans changement tous les travaux, toutes les modifications du site, tous les plans d’urbanisme !
Maître Albert était un dominicain, mais il tenait à s’éloigner des leçons prédigérées de l’Église, éloignement au sens propre comme au sens figuré : il quitta la majestueuse autorité de Notre-Dame pour donner d’abord ses cours au couvent dominicain de la rue Saint-Jacques, entre les murs duquel on se trouva bientôt un peu à l’étroit, tant les foules d’« escholiers » s’y pressaient. Alors, il vint professer dans la boue de la rive gauche ! Il fallait en avoir, de la foi et de la santé, pour enseigner ainsi en plein vent, sous le soleil ou sous la pluie, juché sur une caisse en bois, devant des étudiants passionnés assis sur leur ballot de foin. Aujourd’hui, les étudiants manifestent pour avoir des locaux, et ils ont raison. Mais à l’époque, alors qu’on pouvait mourir d’un mauvais rhume, les écoliers prenaient le risque d’attraper une méchante fluxion… pour le seul bonheur de l’étude !
L’habitude se poursuivit longtemps, car on vit plus tard prendre place sur les ballots de paille un jeune Florentin au visage émacié, c’était Dante Alighieri, qui n’avait pas encore écrit sa Divine Comédie … Et voilà pourquoi on trouve, à deux pas, la rue Dante. Le célèbre poète a connu une rue du Fouarre ouverte, fréquentée et animée jour et nuit par des étudiants. Bien plus tard, en 1358, tout a changé : afin d’empêcher les jeunes exubérants de venir y faire leurs frasques avec des prostituées du quartier, la rue fut fermée par deux portes de bois dès la nuit tombée.
La place Maubert était située sur un important axe de communication : la voie romaine reliant Paris, Lyon et Rome via la rue Galande et la rue de la Montagne-Sainte-Geneviève, mais aussi sur le chemin qui menait à Saint-Jacques-de-Compostelle. On éleva donc, au XII e siècle, une église dédiée à Saint-julien-le-Pauvre, patron des pèlerins et des voyageurs, petit édifice qui demeure un bel exemple de la transition de l’art roman à l’art gothique. La façade actuelle date du XVII e siècle, mais on voit encore, à l’extérieur, de beaux contreforts du XII e , ainsi que des restes de chapiteaux et de colonnes. À l’intérieur, les deux travées de la nef sont aussi du XII e . Lorsque l’Université fut reconnue et organisée, le recteur siégea dans cette église, et délaissa rues et places au profit des collèges et des écoles qui pullulèrent au point que l’ensemble de la rive gauche fut appelée l’Université.
Abandonnée par ses étudiants après la création de cette université, la place Maubert devint un lieu sinistre, dangereux et redouté. D’anciennes gravures la représentent hérissée de gibets et d’échelles de justice, sortes de carcans où l’on exposait publiquement les blasphémateurs, les parjures et les bigames que l’on voulait marquer du sceau de l’infamie. La place s’était muée en un lieu de pendaisons et de souffrances. De plus, les berges de la Seine n’étant pas très hautes et assez mal remblayées, l’endroit se trouvait livré à de constantes inondations. Au 29, place Maubert, une plaque gravée de lettres gothiques à
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