Métronome
blessée. Ils ont abandonné leurs champs et leurs fermes parce que le père ou le fils ou l’ouvrier est mort, parce que l’on manque de bras pour récupérer une maigre récolte. Cette population espère trouver à Paris de quoi manger, mais il n’y a rien en ville et ces foules hagardes, frappées par le malheur, ajoutent encore à la misère générale.
Et le cycle des désastres continue… La guerre contre l’Angleterre coûte cher et oblige le roi à établir de nouveaux impôts. Désormais, toutes les marchandises, objets manufacturés ou denrées alimentaires, vendues à Paris et dans ses faubourgs, sont soumises à une taxe spéciale. Le prix du pain augmente et la misère se fait plus sombre encore.
Le 19 septembre 1356, une nouvelle catastrophe fond sur le royaume : le nouveau roi de France, Jean le Bon, est fait prisonnier à Poitiers par les Anglais. Après un hiver passé à Bordeaux, le monarque détenu est emmené en Angleterre. Oh, il n’a pas à se plaindre, il est traité comme un hôte de marque, mais en France le peuple devra bien payer les trois millions de livres exigés pour libérer son souverain.
En attendant, à Paris, le pouvoir se fait flou en l’absence du roi. C’est le prévôt des marchands, Étienne Marcel, qui prend les choses en main. D’abord, il est urgent de renforcer les défenses de la ville, car la succession ininterrompue de défaites françaises fait craindre une attaque anglaise sur la capitale. Dès la fin du mois de septembre, des nuées d’ouvriers sont au travail, on remblaie, on renforce, on bâtit. Sur la rive gauche, certains fossés trop étroits et trop peu profonds sont creusés et élargis. Sur la rive droite, de nouveaux fossés viennent parfaire le circuit déjà existant. De ce côté de la Seine, on construit des bastions qui font saillie sur l’enceinte, et les murailles sont développées pour englober le Louvre, le prieuré Saint-Martin et l’Enclos du Temple.
Tout cela, évidemment, coûte fort cher, alors le prévôt instaure une nouvelle taxe sur les boissons. Désormais, en vidant son flacon de vin ou son pichet de bière, c’est la défense de Paris que l’on finance !
Encore faut-il une armée pour tenir la ville. Étienne Marcel lève une garde civile qu’il organise non comme le ferait un chef de guerre, mais comme le juge bon le maire qu’il est en quelque sorte. Les hommes valides incités à s’enrôler sont organisés par rues et par quartiers, Paris est quadrillé de troupes prêtes à faire le coup de feu contre l’ennemi anglais.
Au palais de la Cité, le dauphin Charles, âgé de dix-huit ans, assure la régence et tente de s’imposer, mais les Valois sont largement discrédités par leurs défaites militaires. Étienne Marcel et l’évêque Robert Le Coq imposent une ordonnance par laquelle la monarchie serait contrôlée par les États généraux, réunion de la noblesse, du clergé et de la bourgeoisie.
À Londres, où il est toujours retenu, Jean le Bon fulmine et fait savoir qu’il interdit l’application de cette ordonnance. En même temps, ou presque, le roi prisonnier signe avec ses geôliers un traité honteux qui cède à l’Angleterre la Guyenne, la Saintonge, le Poitou, le Limousin, le Quercy, le Périgord, le Rouergue et la Bigorre, promettant de surcroît une rançon qui s’élève désormais à quatre millions d’écus… Non seulement le roi refuse de voir la monarchie placée sous surveillance, mais il brade une bonne partie du royaume ! Cette folie provoque l’indignation…
Quand Regnault d’Arcy, l’avocat du roi, revient d’Angleterre porteur de ce traité infâme, Étienne Marcel sait que l’heure de l’action a sonné. Au matin du 22 février 1358, il parvient à réunir trois mille hommes armés dans le prieuré de Saint-Éloi, sur l’île de la Cité, à quelques pas de la Sainte-Chapelle. Le prévôt harangue la multitude. Il parle de Paris, Paris que l’on s’apprête à livrer à des bandes voraces de gueux qui tournent autour des remparts pour faire main basse sur les richesses de la capitale… Que font les soldats du dauphin contre ces hordes de brigands, que font les alliés du dauphin pour vaincre la misère de la ville ? Galvanisés par ces paroles, les Parisiens laissent éclater leur fureur. Ils en veulent au pouvoir ? Mais il est là, le pouvoir, inerte et mou, juste en face, de l’autre côté de la rue, dans le palais de la Cité où se terrent le prince
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