Métronome
absolue et totale. Pour marquer d'un symbole fort la centralité de son autorité, il transforme le palais de la Cité, l'agrandit, le remodèle en des travaux importants qui durent dix-sept ans et ne s'achèvent qu'en 1313.
À quoi ressemble-t-il, ce nouveau palais ? Pour étendre son domaine plus largement jusqu'à la Seine, le roi n'hésite pas à déloger les propriétaires des terrains et élève une muraille du plus bel effet le long du fleuve. Cette enceinte n'a pas une véritable fonction défensive, elle se dresse plutôt comme la griffe de la force et de la grandeur royales. À l'intérieur du palais, de vastes salles sont construites et les appartements du souverain réaménagés, pourvus des tentures, des argents et des marbres les plus précieux.
La Maison du roi, c’est-à-dire l’administration chargée d’organiser la vie du monarque en son palais, comprend six fonctions : l’écurie, la fourrière – chargée des voitures –, la paneterie – responsable du linge de table –, l’échansonnerie – pour choisir et acheter le vin –, la cuisine et enfin la fruiterie. Mais pour son service particulier, le roi dispose d’un personnel bien étoffé : cinq chambellans, trois valets de chambre, deux barbiers, un tailleur et un chauffe-cire dont la fonction est, comme son nom l’indique, de faire chauffer la cire pour sceller les actes officiels. À ceux-ci s’ajoutent deux médecins, trois chapelains, quinze clercs consacrés aux écritures, trente sergents d’armes, et une foule de valets, de fauconniers et de veneurs. Avec la Maison de la reine Jeanne de Navarre, ce sont plus de deux cents personnes qui travaillent quotidiennement au palais de la Cité. Palais qui est le centre des décisions mais où le roi n’habite qu’une partie de l’année, essentiellement l’hiver. Le reste du temps, Philippe et ses courtisans sont ailleurs, passant d’un château à l’autre pour chasser dans les forêts denses et giboyeuses d’Île-de-France.
Le palais de la Cité remanié ne serait que vaine prétention si Philippe le Bel ne pouvait assurer une pleine suprématie. À ses yeux, deux structures lui font de l’ombre et ternissent sa prépondérance : le Saint-Siège et l’ordre du Temple. Le premier s’obstine à considérer le pouvoir spirituel supérieur au pouvoir temporel des rois, le second constitue la plus riche et la plus puissante congrégation religieuse. Philippe le Bel décide d’abattre l’un et l’autre.
En 1304, la disparition soudaine du pape Benoît XI, mort d’une indigestion de figues, permet à Philippe le Bel d’entrer en scène et de marquer ses volontés. À Pérouse, le conclave s’éternise et se divise entre les partis italien et français. Après onze mois de débats houleux, le cri tant attendu retentit enfin :
— Habemus papam ! Nous avons un pape !
Ce pape-là, qui monte sur le trône de saint Pierre sous le nom de Clément V, est un Gascon, ancien archevêque de Bordeaux. Le roi Philippe ayant suffisamment payé et intrigué pour obtenir cette élection, Sa nouvelle Sainteté n’a rien à lui refuser. Sacré à Lyon, puis installé à Avignon, le pape demeure sous la coupe du roi de France.
L’affaire réglée du côté du Saint-Père, Philippe le Bel peut se retourner contre les Templiers. Le vendredi 13 octobre 1307, à l’aube, les hommes du roi encerclent l’Enclos du Temple, un ensemble construit sur des marais de la rive droite asséchés par les Templiers eux-mêmes. Cette commanderie abrite des bâtiments destinés à loger les moines-soldats, de grandes écuries, une église – réplique gothique de la coupole octogonale du Saint-Sépulcre de Jérusalem – et une solide forteresse avec un haut donjon carré flanqué de quatre tourelles. Ce vaste domaine est entouré de murailles crénelées, mais ces puissantes défenses ne servent à rien contre les archers royaux : la règle de l’ordre interdit de tirer l’épée contre des chrétiens. Les Templiers se laissent donc emmener sans protester, ils ne se méfient ni du vendredi 13 – qui porterait malheur – ni surtout du roi de France, car ils dépendent juridiquement du pape. Ils ne savent pas que Clément V n’est plus qu’une marionnette entre les mains de fer de Philippe.
Comment disparut l’Enclos du Temple ?
Après l’éradication des Templiers, leurs biens furent dévolus à l’ordre des Hospitaliers. En 1667, les murailles de l’Enclos, qui
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