Meurtres Sur Le Palatin
aussi que le maître allait devoir répondre de ses affaires avec... qui tu
sais.
-
Marcus ? bredouilla la gladiatrice, les mains se crispant sur le cadavre de son
père.
-
Il savait qu'il avait été ton amant, maîtresse. Cette dernière laissa échapper
un cri.
-
Oh, non...
-
Il savait tout, maîtresse ! J'ignore qui le lui a dit mais il savait tout. Et
il a dit aussi que tu avais tué un sénateur appelé Appius Publius.
-
Quoi ? s'étrangla la jeune femme.
-
Et qu'il ferait bientôt venir des soldats et des bourreaux pour t'attraper et
interroger tout le monde ! C'est pour ça que le maître a préféré mourir
honorablement.
-
Je n'ai pas tué Appius Publius ! Il devait beaucoup d'argent à Marcus ! C'est
lui qu'il faut aller interroger pour ce crime !
La
nourrice secoua la tête et lui tendit une paire de tablettes scellées, qu'elle
serrait contre elle.
-
Cela n'a plus d'importance, maintenant. J'ai promis au maître de donner ceci à
l'homme au léopard.
La
jeune femme prit le document, le lut et poussa un tel hurlement que la vieille
Prusa la crut sur le point de perdre la raison. À plus forte raison lorsqu'elle
bondit du bassin pour frapper, renverser et briser les rares choses qui ne
l'étaient pas déjà avec des cris de louve blessée.
" En
ce troisième jour avant les ides de juin (9), sous le consulat de Gnaeus
Domitius Ahenobarbus et de Lucius Arruntius Camillus Scribonianus, moi, Gaius
Lentulus Placidus avoue devant les Dieux être le seul et unique responsable de
la mort du sénateur Lucius Appius Publius. Incapable de supporter le poids de
ma faute, je mets fin à mes jours avec, pour témoin, ma fidèle esclave Prusa. "
Malade
de douleur et de ressentiment, Victoria dut s'appuyer au mur de pierre pour ne
pas chanceler.
Que
son père paye de sa vie un crime dont elle se savait innocente était révoltant.
Mais se dire de surcroît qu'il avait mis fin à ses jours de cette façon parce
qu'il la croyait sans doute coupable était encore pire ! Et un seul homme était
responsable de cela : Kaeso.
Elle
avait cru éprouver de la haine pour Marcus Gallus, mais réalisait que, jusqu'à
présent, elle ignorait le sens de ce mot. Maintenant elle haïssait vraiment .
Maintenant, elle savait ce que vouloir la déchéance et la mort d'un homme à
n'importe quel prix signifiait. En comparaison, ce qu'elle avait ressenti pour
Marcus n'était qu'une colère enfantine !
-
Où sont les esclaves et les gladiateurs ? demanda-t-elle, ivre de vengeance.
-
Le maître les a tous affranchis par testament.
-
Tous ?
-
Sans exception, maîtresse. C'est pour ça qu'ils sont partis en emportant tout.
Pour payer la taxe. Le seul argent du maître n'aurait jamais suffi à libérer
autant d'hommes d'un seul coup.
Si
la jeune femme n'avait pas été sur le point de s'étouffer de rage, elle aurait
hurlé.
-
Pourquoi n'es-tu pas partie toi aussi, Prusa ? Tu aurais pu aller apporter ces
tablettes à ce chien et t'en aller libre.
-
À mon âge, où irais-je, maîtresse ? Qui voudrait de moi ? Mon destin a toujours
été de te servir et de veiller sur toi.
Victoria
secoua la tête, encore trop enragée pour réfléchir avec lucidité.
-
Me servir... Ces chiens ont tout pris ! Je n'ai plus rien.
-
Tu as encore ta vie, maîtresse ! Et cette maison. Vends-la et partons avant que
cet homme ne détruise ta vie comme il a détruit celle de ton père !
Victoria,
à présent transie de froid, sortit le corps de Placidus de l'eau et le posa aux
pieds de sa nourrice.
-
C'est moi qui détruirai la sienne, Prusa, assura-t-elle en refermant les
paupières du mort.
Envahie
par la colère, elle dut s'y prendre à plusieurs reprises tant elle tremblait.
-
Sur tes mânes, père, je te jure qu'il paiera pour ce qu'il t'a fait !
*
**
Kaeso
en était à son troisième gobelet de vin et tournait en rond comme un lion en
cage. La porte de son bureau s'ouvrit soudain à la volée, laissant apparaître
Caligula, débraillé et hors de lui, flanqué d'Hélicon, son esclave égyptien, et
de Concordia, qui se hâta de fermer le battant.
-
Répète-moi exactement ce que t'a dit ce salopard, Wotan ! vociféra le jeune
questeur en prenant Kaeso par les épaules sans même prendre le temps de le
saluer.
Lorsque
le prétorien avait raconté toute l'affaire à sa cousine, elle avait estimé que
celle-ci était suffisamment urgente et grave pour ne pas attendre le lendemain.
Elle s'était donc présentée chez l'ancien
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