Meurtres Sur Le Palatin
Celui-ci se tourna franchement vers lui.
-
Je ne joue pas les timorés. Je n'ai tout simplement pas envie que tu me
touches.
Léon
éclata franchement de rire.
-
Tu travaillais bien au Loup gris, non ? Et si Marcus t'a acheté, ce n'est pas
uniquement pour danser sur les tables.
-
Je ne le nie pas.
-
Alors pourquoi joues-tu les vierges effarouchées ? insista Léon en faisant
courir ses doigts sur la jambe du mime.
-
Parce que Marcus a sous ses ordres une cohorte de sicaires qui n'attendent
qu'un signe pour trancher la gorge des esclaves indociles. Toi, non !
Mnester
assena à Léon un violent coup de coude dans les côtes et ce dernier se plia en
deux en déversant un flot d'injures.
*
**
Lorsque
Victoria rentra au ludus, à la nuit tombée, elle eut la surprise d'y trouver la
porte ouverte, battant au gré des courants d'air empesanti d'effluves de
camphre. Aussitôt, elle sut qu'il s'était passé quelque chose de grave.
Le
coeur battant, elle se précipita à l'intérieur et faillit trébucher sur les
restes d'une statue brisée répandus sur les mosaïques de l'atrium enténébré. À
tâtons, elle se dirigea vers le petit autel domestique dédié aux lares, où une
petite lampe à huile brûlait en permanence. Elle s'en saisit en s'excusant
auprès des divinités et en allongea la mèche.
Le
spectacle était apocalyptique. La maison avait été pillée. Tout ce qui avait pu
être emporté l'avait été et le reste avait été saccagé. Des débris jonchaient
le sol et les fresques des murs avaient été lacérées avec une rage
inconcevable.
Qui
avait pu faire une chose pareille ? Et, surtout, comment les gladiateurs
avaient-ils pu laisser faire ça ? Où étaient-ils, d'ailleurs ? Et les
serviteurs ? Couteau à la main, elle fouilla à recherche d'un corps ou d'une
tache de sang mais ne trouva rien. À croire qu'une monstrueuse tempête avait
balayé l'école, emportant toute la maisonnée avec elle.
-
Il y a quelqu'un ? finit-elle par appeler d'une voix étranglée. Père ! Père, tu
es là ?
Elle
tendit l'oreille et crut percevoir un faible gémissement qui venait des bains.
Lentement,
la lampe dans une main et le couteau dans l'autre, elle se dirigea vers les
thermes privés de l'école qui jouxtaient le gymnase et y pénétra aussi
silencieusement que possible.
Les
gémissements s'intensifiaient. Une femme. Et les seules femmes vivant dans le
ludus étaient une esclave chargée de la lessive, elle-même et sa vieille
nourrice, Prusa.
-
Qui est là ? demanda-t-elle en pénétrant dans la pièce abritant un bassin
habituellement brûlant.
Mais,
faute d'avoir entretenu le système de chauffe durant plusieurs heures, la
température avait chuté et il régnait une obscurité presque totale que la
petite lampe avait peine à dissiper.
-
Maîtresse ? pleurnicha la voix féminine, tout près. Maîtresse, c'est toi ?
Cette
fois, et malgré sa voix brisée, la jeune femme reconnut sa nourrice.
-
Prusa ? Où sont-ils tous pass...
Le
petit cercle de lumière de sa lampe lui dévoila sa nourrice, agenouillée, en
larmes, au bord du bassin. Bassin où Placidus flottait, les yeux grands ouverts
et les veines des poignets tranchées.
Victoria
ne réfléchit pas davantage et, après avoir posé sa lampe sur le rebord avec une
hâte telle qu'elle éclaboussa la main de sa nourrice d'huile brûlante, elle
plongea dans l'eau glacée tout habillée pour récupérer son père.
-
Père ! Père ! Mais qu'est-ce que tu as fait ? Un court instant, elle s'était
dit qu'il n'était pas trop tard et que, par dieux savaient quel miracle, il
était peut-être encore vivant. Mais lorsque ses bras se refermèrent sur le
corps déjà raide, la jeune femme comprit qu'elle arrivait trop tard.
-
Que s'est-il passé ? demanda-t-elle d'une voix blanche, comme si son coeur,
incapable de supporter un tel choc, avait eut pitié d'elle et annihilé tout
sentiment.
-
Il s'est suicidé, maîtresse, sanglota la vieille nourrice.
-
Cela je le vois bien ! Raconte-moi ce qui s'est passé ! Pourquoi a-t-il fait
une telle chose ?
-
L'homme au léopard est venu le voir, maîtresse, pleurnicha la pauvre femme, et
Victoria se pétrifia. Clavus et moi les avons entendus parler dans le
vestibule, cachés derrière la porte.
-
Kaeso ? Que voulait-il ?
-
Il a menacé maître Placidus. Il lui a dit que...
-
Parle ! hurla Victoria.
-
Il a dit que tu l'avais trahi, maîtresse, avoua la pauvre femme à contrecoeur.
Et
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