Meurtres Sur Le Palatin

d'une
gratouille, et celui-ci s'agrippa de plus belle à la cuisse musculeuse du
prétorien de toute la force de ses petits bras crasseux.
    -
Dis-lui de partir ! sanglota-t-il. Dis-lui de partir !
    Caligula
se saisit du collier du fauve pour l'éloigner un peu.
    -
Io, recule ! Allez !
    -
Et si tu me donnais ton message, à présent ? reprit Kaeso en soulevant le petit
garçon dans ses bras.
    Marcia
grimaça en considérant la saleté de ce dernier et ne put s'empêcher
d'apostropher son neveu.
    -
Kaeso ! Repose cet enfant ! Il est sûrement couvert de poux !
    Hormis
celui de Ludus, tous les regards se tournèrent vers elle, ulcérés, et le petit
se récria :
    -
Non, c'est pas vrai ! J'ai pas de poux !
    Torquatus
adressa à son épouse une mimique amère.
    -
Quoi ? s'offusqua celle-ci. Il ne manquerait plus qu'il nous infeste ! Comme si
cette bête ne suffisait pas ! ajouta-t-elle pour faire bonne mesure en
désignant Io.
    Apollonius
sourit tristement au sénateur, compatissant, et Caligula se mordit la langue.
Mustella se pencha à l'oreille de Matticus.
    -
Je ne comprends pas pourquoi il ne divorce pas. Dame Concordia m'a dit que...
    -
La ferme ! siffla son compagnon entre ses dents. Ce n'est pas le moment.
    L'ordonnance
se raidit, vexé.
    -
Alors, il vient, ce message ? insista Kaeso.
    Le
petit se concentra à nouveau.
    -
"Demain, à la troisième heure. Viens seul avec le sénateur au carrefour du
noyé."
    Matticus
jura.
    Le
carrefour du noyé, ainsi nommé à cause des nombreux suicides par noyade dans la
source tout proche, était un lieu plat et isolé au sud de Rome. Impossible d'y
cacher des hommes pour tendre un piège à Marcus Gallus et cette crapule le
savait bien.
    Caligula
lança un regard abattu à Kaeso et ce dernier détourna les yeux.
    Hildr,
elle, réfléchissait à toute vitesse avec la force du désespoir. Son fils ne
pourrait pas se rendre au lieu de l'échange avec un cadavre et il était
impossible d'y préparer une embuscade sans être repéré. Il fallait à tout prix
savoir où était Concordia et aller la chercher cette nuit même !
    -
Dis au géant avec la moustache que je serai au carrefour du noyé demain, à la
troisième heure, répondit Kaeso pour gagner quelques heures. C'est d'accord.
Mais peut-être puis-je lui dire moi-même ?
    Le
coeur de Hildr fit une embardée. Son fils et elle pensaient visiblement à la
même chose.
    Le
garçonnet secoua énergiquement la tête avec de grands yeux horrifiés.
    -
Non, tu peux pas.
    -
Pourquoi ? Où dois-tu le rencontrer ?
    -
J'ai pas le droit de le dire, répondit le petit. Sinon, le géant va tuer
Quirinus.
    -
Qui est Quirinus ? Ton petit frère ?
    -
Quirinus, c'est mon ami ! Tu veux le voir ? proposa le garçon en fouillant dans
sa tunique pour en sortir une petite gerbille, qu'il mit sous le nez de Kaeso.
    Marcia
poussa un cri strident et les autres sourirent.
    -
Je vois. C'est une... très jolie petite bête. Mais, tu sais, je pourrais
t'accompagner et comme ça je...
    -
Wotan, intervint Hildr, puisqu'il te dit que c'est impossible !
    Elle
lança à son fils un regard appuyé qui signifiait "fais-moi confiance".
    -
Es-tu folle ? se récria Marcia. Risquer la vie de ma fille à cause d'une vermine
de sourice...
    -
Tais-toi ou je t'arrache la langue ! lui intima son époux excédé qui, lui,
n'avait rien perdu de l'échange muet entre son neveu et sa belle-soeur.
    Marcia
recula comme s'il l'avait frappée. Jamais Torquatus, pas même durant leurs
pires disputes, ne s'était permis de lui parler de la sorte.
    Hildr
tendit à Kaeso une paire de tablettes, sur le bois desquelles elle venait de
laisser des traces d'une pommade à l'odeur de camphre particulièrement
persistante dont elle s'était enduit les mains, et un stylet.
    -
Tu devrais donner à ce garçon un message pour Marcus, qu'il pourrait remettre à
l'homme à la moustache.
    Kaeso
pinça les narines mais ne comprenait pas du tout où elle voulait en venir,
jusqu'à ce qu'elle désigne Io d'un coup d'oeil rapide en se touchant
discrètement le nez.
    Tout
devint clair, alors, et, pour la première fois depuis qu'on lui avait annoncé
l'enlèvement de Concordia, une lueur d'espoir brilla en lui.
    Suivre
le garçon pour qu'il les conduise à l'homme de main de Marcus puis suivre
ensuite ce dernier jusqu'à Marcus lui-même était horriblement dangereux. S'ils
étaient découverts, sa cousine le paierait de sa vie. Mais Io, elle, n'avait
pas besoin de talonner le garçonnet. Elle