Meurtres Sur Le Palatin
centurion se tourna vers
le fauve, perplexe.
Visiblement
très fière d'elle, Io fixa à tour de rôle son maître et l'établissement, dont
la porte était éclairée par une petite lampe suspendue au chambranle, de l'autre
côté de la rue. Des hommes, soûls pour la plupart, entraient et sortaient de là
en un ballet incessant.
-
Elle semble croire que c'est là, répondit Kaeso comme on s'excuse, en haussant
les épaules avec un petit sourire gêné.
Son
second laissa échapper un juron.
-
Dans des latrines publiques ? gronda-t-il en plissant le nez, incommodé par
l'odeur infecte qui se dégageait des lieux d'aisance.
Le
jeune centurion leva les bras au ciel, lui aussi terriblement déçu.
-
Que veux-tu que je te dise ? C'est un léopard, Matticus, pas un chien de chasse
! Elle a fait ce qu'elle a p...
-
Attends, le coupa soudain son second en le repoussant à l'abri de l'ombre du
porche. Il n'a pas parlé d'un géant moustachu avec des bracelets, le gamin ?
Kaeso
suivit son regard. Un homme venait de sortir des latrines. Un Gaulois, selon
toute vraisemblance, à en juger par ses bijoux et ses vêtements.
Il
se dirigeait vers eux en grommelant, les deux mains pressées sur le ventre.
Comme
les deux ivrognes qui l'avaient précédé, il passa à quelques pas sans les
remarquer et poursuivit son chemin en déblatérant sur les Romains, leur cuisine
immangeable et leur maudit garum .
Les
deux prétoriens se préparaient à le suivre à bonne distance lorsque soudain,
peut-être alerté par son instinct de guerrier, le Gaulois se figea à
l'extrémité de la ruelle, pivota brutalement en portant la main à son ceinturon
et s'immobilisa à nouveau, tous les sens aux aguets, comme s'il hésitait sur ce
qu'il devait faire.
-
Oh, oh..., murmura Kaeso en refermant les doigts sur la poignée de son glaive,
une sueur froide lui coulant le long du dos. Je crois que nous sommes repérés.
Io
feula et le Gaulois se précipita vers eux avec un grondement sourd.
-
Reste dans l'ombre, chuchota Matticus en dégainant à demi son arme. Il ne sait
pas que nous sommes deux, faisons-lui la surprise.
Le
géant était presque sur eux.
-
Je lâche d'abord Io. Prêt ? Mainten...
Mais
le Gaulois les dépassa sans ralentir sa course et, tout en débouclant le
ceinturon qui retenait ses braies, il se précipita à nouveau dans les latrines
publiques.
Les
deux prétoriens échangèrent un regard interdit.
-
Tant d'argent et de vies gaspillées inutilement durant la guerre des Gaules !
soupira Matticus en rengainant son glaive. Alors que quelques amphores de sauce
auraient suffi à les mater !
Kaeso
eut beau faire, pour terrible que fut la situation, il ne put s'empêcher de
rire.
-
Matticus...
Ils
durent attendre un long moment en pinçant le nez avant que le Gaulois ne daigne
ressortir des latrines. À nouveau, il passa devant eux mais, cette fois, il
n'éprouva pas le besoin de revenir sur ses pas.
Les
prétoriens le laissèrent donc disparaître et lancèrent à nouveau Io sur la
piste des tablettes.
Après
une longue marche dans l'obscurité des ruelles, ils finirent par atteindre une
taverne miteuse arborant un chien pendu au-dessus de son entrée.
Il
était très tard et, si l'on en croyait les clients ivres morts que deux hommes
jetaient dehors sans ménagement, l'établissement n'allait pas tarder à fermer
ses portes.
Matticus
et Kaeso, cachés à l'angle d'une ruelle toute proche, observèrent les allées et
venues durant une bonne heure.
-
Je dirais... Une vingtaine de personnes, estima le jeune centurion en comptant
les esclaves.
-
Disons trente pour être certains.
-
Va et rassemble les hommes. Demande aussi l'assistance de ceux de Balbus
Taurus. Il nous doit bien ça et on ne sait jamais comment ça peut dégénérer,
dans le quartier. Va ! Je vous attends ici avec Io. Nous donnerons l'assaut
lorsqu'ils dormiront.
Son
second lui tapa sur l'épaule.
-
Sois prudent, centurion.
-
Toi aussi.
La
peur au ventre, Léon fit tourner tout doucement la clé dans la serrure mais
cela ne l'empêcha pas de grincer et il retint son souffle.
Celtill,
qui dormait allongé en travers du seuil, fin soûl (l'esclave y avait veillé),
grogna et s'agita mais se remit à ronfler comme si de rien n'était.
Sachant
qu'il ne parviendrait pas à ralentir les battements de son coeur, Léon essaya
au moins de calmer les tremblements de ses mains et finit de déverrouiller la
serrure. Le jeu, à présent, consistait à
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