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Milena

Milena

Titel: Milena Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Margarete Buber-Neumann
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d’évoquer
ouvertement des problèmes érotiques, avec une audace encore inhabituelle à l’époque.
Toute sa vie durant, Ružena Jesenská continua à porter le fardeau de son
premier amour déçu. Ce thème et la quête d’un véritable bonheur amoureux
remplissent presque toute son œuvre. Le célèbre historien de la littérature
tchèque, Arne Novák, a parlé de l’œuvre de Ružena Jesenská dans des termes qui
la définissent presque comme une anticipation de la vie de sa nièce Milena. Évoquant
« l’amélioration constante de ses capacités créatrices », il souligne
la présence, dans ses œuvres de maturité, de « figures de femmes
courageuses dessinées avec amour et qui, dans le bonheur comme dans l’abîme, n’écoutent
toujours que la voix de leur cœur ».
    Pendant de longues années, les relations entre Milena et sa
tante Ružena furent dominées par une antipathie réciproque. Enfermée dans son
étroite morale bourgeoise, la tante s’indignait de la vie débridée de sa nièce,
sans pouvoir s’empêcher, toujours, de l’entourer de soins maternels. Mais
Milena la rembarrait, tournait en dérision ses manières de vieille fille et ses
livres débordant de sentimentalité. Par la suite, les choses changèrent : la
vie avait asséné de rudes coups à Milena, elle fit ses preuves en tant qu’écrivain
mais aussi en tant que militante politique ; entre la tante et la nièce se
développa une estime réciproque qui, bientôt, culmina en chaleureuse tendresse.
Milena se réfugiait chez sa tante Ružena quand elle succombait au désespoir ou
avait besoin d’appui, de consolation. Elle trouvait chez elle une affection inconditionnelle,
Ružena l’aimait avec ses défauts ou peut-être même à cause de ces défauts. Un
jour (elle était déjà âgée de soixante-treize ans), tante Ružena dit tristement
à Milena : « J’ai bien l’impression que je vieillis : cela fait
déjà trois ans que je ne suis plus tombée amoureuse… »
    *
    L’histoire de Bohême est peuplée de ces femmes tchèques qui
se distinguent par leur courage et leur attitude combative – fût-ce, comme c’est
souvent le cas, sur un terrain purement intellectuel. De génération en
génération, on peut suivre le fil rouge d’un même désir, d’un désir d’émancipation
des conventions figées, du même courage de nager contre le courant et de ne se
conformer qu’à son propre moi – de tous ces sentiments qui avaient empoigné
Milena et les minervistes.
    Il se peut aussi qu’il y ait une part d’héritage dans l’indépendance
de la pensée de Milena. Jan Jesensky ne cessait de le rappeler, il était issu d’une
vieille famille tchèque ; aujourd’hui encore, une plaque commémorative
apposée dans la mairie de la vieille ville de Prague, et où sont gravés les
noms des martyrs du peuple tchèque, en témoigne : il y est indiqué que son
ancêtre Jan Jessenius a été exécuté en 1621. Né en 1566, il fit ses études à
Breslau, puis à Wittenberg et enfin à Padoue où il passa son doctorat en
médecine. Puis il revint à Breslau, y devint maître de conférences à l’Université
en même temps que médecin particulier du prince électeur de Saxe. En 1600, il
fut appelé à Prague où l’astronome Tycho Brahé le recommanda comme médecin
particulier à l’empereur Rodolphe II et, par la suite, à l’empereur Matthias.
    Jan Jessenius devint bientôt une célébrité à Prague, aussi bien
parmi les savants que parmi le peuple : en juin 1600, il fut le premier en
Europe centrale à pratiquer une autopsie. En 1617, lorsqu’il fut question de l’élire
recteur de l’université de Prague, certains émirent des réserves. Noble
hungaro-slovaque, Jessenius ne parlait pas tchèque mais allemand et latin et l’on
doutait qu’il fût concevable que l’université tchèque eût un recteur qui ne
maîtrisât pas la langue du pays. Il fut malgré tout élu. Son appartenance au
protestantisme fut, en l’occurrence, un facteur décisif.
    Jessenius était engagé dans le combat pour les idées
progressistes de son temps, il défendait avec impavidité la liberté des
sciences et la liberté de conscience face à la résistance de l’Église. Il s’opposa
aux menées de l’empereur Ferdinand II, qui s’efforçait par tous les moyens de
placer l’université de Prague sous sa tutelle.
    C’est en 1618, avec la « défenestration pragoise »
des représentants de l’empereur, que se

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