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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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qu’il ne fallait pas dire à l’Empereur et juré sur l’honneur de son père que Drusilla et lui étaient innocents, je me sentis tenu de faire ce que je pourrais pour ces enfants. J’allai trouver ma mère.
    — Caligula, lui dis-je, jure que tu t’es trompée. Il jure sur l’honneur de son père, et si tu as le moindre doute tu dois respecter ce serment. Pour moi, je ne puis croire qu’un enfant de douze ans…
    — Caligula est un monstre, Drusilla un autre et toi un idiot. J’en crois mes yeux plutôt que leurs serments ou tes sottises. J’irai parler à Tibère dès demain matin.
    — Mais, mère, si tu parles à l’Empereur, les enfants ne seront pas les seuls à en pâtir. Pour une fois, parlons franchement, et au diable les mouchards ! Je suis peut-être un idiot, mais tu sais aussi bien que moi que Tibère soupçonne Agrippine d’avoir empoisonné Castor pour faire accéder ses fils à la monarchie. Il vit dans la crainte d’un soulèvement en leur faveur. Si toi, leur grand-mère, tu accuses ces enfants d’inceste, crois-tu qu’il ne trouvera pas moyen d’impliquer dans l’accusation les autres membres de la famille ?
    — Tu es un idiot, je te dis ! Je ne peux pas supporter de voir ta tête branler et ta pomme d’Adam monter et descendre…
    Mais je voyais que mes paroles avaient fait impression sur elle. En m’éloignant de la maison pendant le reste de mon séjour à Rome, de peur que ma présence ne lui rappelât mon intervention, j’avais des chances que Tibère n’apprît rien. J’emballai donc quelques affaires et allai demander l’hospitalité à mon beau-frère Plautius. Quand j’arrivai le souper était fini depuis longtemps ; Plautius lisait des dossiers dans son cabinet. Il me dit que sa femme était allée se coucher.
    — Comment va-t-elle ? demandai-je. Elle avait l’air préoccupée la dernière fois que je l’ai vue.
    Il se mit à rire.
    — Comment, vieux campagnard, tu n’es pas au courant ? J’ai répudié Numantine depuis un mois ou davantage. Quand je dis « ma femme » je parle de la nouvelle, Apronie.
    Je m’excusai.
    — Il faut te féliciter, je suppose. Mais pourquoi as-tu répudié Numantine ? Vous aviez l’air de bien vous entendre.
    — Pas mal du tout. Mais, pour te dire la vérité, j’étais criblé de dettes. J’ai eu des ennuis au début de ma magistrature. Tu sais qu’on s’attend que nous dépensions beaucoup pour les Jeux. Je n’ai pas eu de chance. À deux reprises, des fautes de forme m’ont obligé à tout recommencer. La première fois, c’était ma faute : j’avais employé une formule de prière abolie par décret depuis deux ans. La seconde fois, un trompette qui devait sonner le long signal ne prit pas son souffle assez profondément et fut obligé de s’arrêter court. Je dus payer les gladiateurs et les conducteurs de chars trois jours de suite au lieu d’un seul. Depuis lors je n’ai jamais pu me rattraper. Mes créanciers devenaient pressants : il fallait trouver quelque chose. La dot de Numantine était dépensée depuis longtemps, mais son oncle a consenti à la reprendre sans argent à condition que je lui permette d’adopter notre plus jeune fils. Il désirait un héritier et s’est entiché du petit. Apronie est très riche et je suis maintenant tiré d’affaire.
    « Naturellement, Numantine n’avait pas envie de me quitter. J’ai dû lui raconter qu’un Certain Personnage m’obligeait à épouser Apronie, qui s’était éprise de moi et avait des intérêts à la Cour – faute de quoi je serais accusé de blasphème contre Auguste. Justement, quelques jours plus tôt, un de mes esclaves avait fait un faux pas dans le vestibule et brisé un vase d’albâtre rempli de vin ; je tenais une cravache à la main et faillis mettre l’homme en pièces, tant j’étais fou de rage. Tout à coup il me dit : « Arrête, maître, regarde où nous sommes ! » L’animal avait un pied sur le carré sacré de marbre blanc qui entoure la statue d’Auguste. Je laissai tomber ma cravache, mais une demi-douzaine d’affranchis avaient pu me voir. Cet incident avait tourmenté Numantine, et je m’en suis servi pour lui faire accepter l’idée du divorce. Entre parenthèses, Claude, ceci est absolument entre nous. N’en parle pas à Urgulanille. Inutile de te dire que cette affaire de Numantine l’ennuie beaucoup.
    — Je ne la vois plus jamais.
    — Enfin, si tu la vois, ne lui répète

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