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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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envers moi. Pour réhabiliter sa mémoire, son frère accusa Numantine de lui avoir jeté un sort. Mais Tibère affirma que Plautius était en pleine possession de ses facultés au moment du crime, et Numantine fut acquittée.
    Je n’échangeai pas un mot de plus avec Urgulanille. Mais un mois plus tard Séjan, en passant par Capoue, vint m’y surprendre. Il se rendait avec Tibère à Capri, une île voisine de Naples, où Tibère possédait douze villas et allait souvent pour son plaisir.
    — Maintenant, me dit-il, tu vas pouvoir répudier Urgulanille. Elle est enceinte d’environ cinq mois, à ce que me disent mes agents. C’est à moi que tu le dois, d’ailleurs. Je connaissais la passion d’Urgulanille pour Numantine. J’ai trouvé par hasard un jeune esclave, un Grec, qui pourrait passer pour le frère jumeau de celle-ci : je l’ai offert à Urgulanille, qui s’en est éprise à première vue. Il s’appelle Boter.
    Que pouvais-je faire, sinon le remercier ?
    — Et qui, lui demandai-je, sera ma nouvelle femme ?
    — Ah ! tu t’es souvenu de notre conversation ! Eh bien, la dame à laquelle je pense est ma sœur adoptive, Ælia. Tu la connais, naturellement ?
    Je la connaissais. Je cachai ma déception et demandai comment une femme aussi jeune, aussi belle et aussi intelligente s’accommoderait d’épouser un vieil idiot infirme, malade et bègue comme moi.
    — Oh ! répondit-il brutalement, cela lui est bien égal. Elle épouse le neveu de Tibère et l’oncle de Néron : c’est tout ce qu’elle voit là-dedans. Ne va pas t’imaginer qu’elle t’aime. Elle pourra se résoudre à avoir un enfant de toi, à cause des ancêtres, mais quant au sentiment…
    — En somme, à part l’honneur de devenir ton beau-frère, pour le changement que cela fera dans ma vie, je pourrais tout aussi bien garder Urgulanille ?
    — Oh, tu t’arrangeras ! dit-il en riant. Tu ne mènes pas une vie trop solitaire, si j’en juge par l’aspect de cette pièce. La belle n’est pas loin, à ce que je vois. Des gants, un miroir, un métier à broder, cette boîte de bonbons, des fleurs arrangées avec goût… Ælia ne sera pas jalouse. Elle a ses amis à elle, probablement – mais je ne m’occupe pas de ses affaires de cœur.
    — Très bien, dis-je. J’accepte.
    — Tu n’as pas l’air très reconnaissant.
    — Ce n’est pas de l’ingratitude. Tu t’es donné beaucoup de mal pour moi et je ne sais comment t’en remercier. Seulement j’ai un peu peur. D’après ce que je sais d’Ælia, elle est plutôt… caustique – si tu saisis ce que je veux dire.
    Il éclata de rire.
    — Elle a la langue pointue comme une aiguille. Mais depuis le temps tu dois être cuirassé contre les gronderies. Ta mère t’a dressé, je suppose ?
    — J’ai encore la peau un peu sensible par endroits, répondis-je.
    — Eh bien, mon cher Claude, je ne peux pas rester plus longtemps. Tibère se demanderait où je suis passé. Marché conclu ?
    — Oui, et merci beaucoup.
    — Oh ! à propos, c’est Urgulanille, n’est-ce pas, qui a tué cette pauvre Apronie ? Je m’attendais bien à un drame. Urgulanille avait reçu de Numantine une lettre où celle-ci la suppliait de la venger. Mais ce n’était pas Numantine qui l’avait écrite, tu comprends ?
    — Je ne sais rien. Je dormais profondément quand tout cela est arrivé.
    — Comme Plautius ?
    — Plus profondément encore que Plautius.
    — Tu es un malin ! Eh bien, au revoir, Claude.
    — Au revoir, Ælius Séjan.
    Il s’éloigna. Je répudiai Urgulanille après en avoir demandé par lettre la permission à ma grand-mère. Livie m’écrivit que l’enfant devrait être exposé dès sa naissance : c’était sa volonté et celle d’Urgulanie. J’envoyai aussitôt un affranchi de confiance prévenir Urgulanille que le seul moyen de sauver la vie de son enfant était de l’échanger aussitôt né contre un enfant mort. Il me fallait un bébé à exposer, et n’importe quel cadavre de nouveau-né, pourvu qu’il ne fût pas trop ancien, ferait l’affaire. L’enfant fut donc sauvé : plus tard Urgulanille le reprit aux parents nourriciers qui lui avaient fourni le bébé mort. Je ne sais ce qu’il advint de Boter, mais l’enfant – une fille – devint plus tard, à ce qu’on dit, la vivante image de Numantine.
    Il y a maintenant des années qu’Urgulanille est morte. Après sa mort il fallut abattre un mur pour faire

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