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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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immédiatement une réponse favorable. Livilla, dont les deux maris précédents étaient des hommes de haute naissance, ne se contenterait vraisemblablement pas d’un chevalier : d’autre part, si Séjan avançait en titre en même temps qu’il entrait dans la famille impériale, la jalousie qui en résulterait risquait d’étayer le parti d’Agrippine. C’était justement pour éviter de telles jalousies qu’Auguste avait songé à donner sa fille à un chevalier, un homme retiré, sans aucun lien avec la politique.
    Séjan connaissait trop bien Tibère pour ne pas se rendre compte qu’il avait parlé trop tôt. Il ne l’avait fait que pressé par Livilla. Maintenant il lui fallait décider Tibère à quitter Rome sans délai et à le nommer gouverneur de la ville – magistrature qui ne relevait que de l’Empereur lui-même. En tant que commandant des Gardes il commandait aussi le corps des Ordonnances, les courriers impériaux, et toute la correspondance de Tibère lui passait entre les mains. Ce serait également à lui de décider qui on pourrait admettre en présence de l’Empereur : moins celui-ci verrait de monde, plus il serait content. Petit à petit le gouverneur de la ville s’emparerait ainsi de tout le pouvoir et pourrait agir comme bon lui semblerait sans risquer que l’Empereur s’en mêlât.
    Tibère finit par quitter Rome, sous prétexte de consacrer un temple à Jupiter dans la ville de Capoue et un à Auguste dans celle de Nola. Mais il n’avait pas l’intention de revenir. On savait qu’il avait pris cette décision à cause de l’avertissement de Thrasylle : ce que prédisait Thrasylle était accepté sans contredit comme certain. Tibère avait alors soixante-sept ans : il était affreux : maigre, courbé, chauve, raide, le visage couvert d’ulcères que cachaient des emplâtres. On supposait qu’il mourrait bientôt : personne n’eût supposé qu’il avait encore onze ans à vivre. Peut-être dut-il ces onze ans au fait qu’il ne s’approcha plus jamais en deçà des faubourgs de la ville. En tout cas c’est ainsi que les choses se passèrent.
    Tibère emmenait à Capri plusieurs savants grecs, des soldats triés sur le volet, y compris sa Garde du corps germanique, et une quantité d’étranges créatures fardées, de sexe douteux. Il emmenait aussi Thrasylle et, choix surprenant entre tous, Coccéius Nerva. Capri est une île de la baie de Naples, située à quelque trois milles de la côte. Le climat y est doux en hiver, frais en été. L’atterrissage n’y est possible que sur un seul point, le reste de la côte étant protégé par des falaises à pic et des fourrés impénétrables. Comment Tibère y passait son temps, quand il ne discutait pas poésie et mythologie avec les Grecs ou politique avec Nerva, c’est un récit trop révoltant même pour un historien. Je dirai seulement qu’il avait apporté la collection complète des fameux livres d’Eléphantis – l’encyclopédie pornographique la plus copieuse qu’on ait jamais rassemblée. À Capri, il pouvait faire ce qui lui était impossible à Rome : se livrer à ses jeux obscènes en plein air, sous les arbres, parmi les fleurs, au bord de l’eau, et faire autant de bruit qu’il lui plaisait. Comme certains de ces jeux étaient extrêmement cruels, les souffrances de ses partenaires entrant pour une grande part dans son plaisir, la situation écartée de Capri offrait en somme beaucoup plus d’avantages que d’inconvénients.
    Au bout de quelque temps il autorisa Séjan à faire disparaître les chefs du parti d’Agrippine de la manière qui lui semblerait la plus commode. Une fois, à la Fête du Nouvel An, il officiait en qualité de Grand Pontife et récitait les bénédictions habituelles quand tout à coup il se tourna vers un chevalier appelé Sabinus qui se trouvait là et l’accusa de chercher à corrompre ses affranchis. Un des hommes de Séjan releva aussitôt la robe de Sabinus, lui en enveloppa la tête, lui passa un nœud coulant autour du cou et l’entraîna. Sabinus appelait d’une voix étouffée : « Au secours, amis, au secours ! » Mais personne ne bougea, et il fut exécuté sans plus de formalités. Son seul crime était d’avoir été l’ami de Germanicus, et, poussé par un séide de Séjan, d’avoir exprimé dans une conversation privée de la sympathie pour Agrippine. Le lendemain on lut au Sénat une lettre de Tibère, annonçant la mort de Sabinus

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