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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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couteau.
    Mais Tibère avait eu si peur qu’il en avait perdu la tête. Il donna un coup de sifflet et appela en langue germanique : « Au secours ! au secours ! venez vite ! Wolfgang ! Siegfried ! Adelstan ! Un assassin ! Schnell ! » Les Gardes bondirent, brandissant leurs sagaies.
    L’homme, qui ne comprenait pas le germanique, continuait gaiement, en refermant son couteau : « Je l’ai pris là-bas, près de cette grotte. Combien crois-tu qu’il pèse ? Une vraie baleine, hein ? Il a failli m’arracher du bateau. »
    Tibère, quelque peu rassuré, mais l’imagination tournée maintenant vers le poisson venimeux, cria aux Germains : « Non, ne le tuez pas. Coupez la tête en deux et frottez-lui la figure avec les morceaux. »
    Le grand Wolfgang saisit l’homme par-derrière en lui immobilisant les bras et les deux autres lui frottèrent le visage avec le poisson cru. Le malheureux criait : « Eh ! arrêtez ! Ce n’est pas une plaisanterie ! Quelle chance encore que je n’aie pas commencé par offrir à l’Empereur ce que j’ai d’autre dans mon sac !
    — Regardez ce que c’est », ordonna Tibère.
    Edelstein ouvrit le sac et y trouva une énorme langouste.
    — Frotte-lui la figure avec, dit Tibère. Frotte-la-lui bien !
    Le misérable y perdit les deux yeux. « Cela suffit, dit alors Tibère : vous pouvez le lâcher. » Le pêcheur trébuchait çà et là, hurlant et fou de douleur : finalement on dut le jeter à la mer du haut d’un rocher voisin.
    Je suis heureux de dire que je ne fus jamais invité à rendre visite à Tibère dans son île. J’ai même toujours évité d’y aller depuis, bien que les traces de ses atrocités soient maintenant effacées depuis longtemps et que ses douze villas soient, dit-on, magnifiques.
    J’avais demandé à Livie la permission d’épouser Ælia : elle me l’accorda avec des vœux malicieux et assista même au mariage. Ce fut une cérémonie superbe – Séjan y tint la main. Un des résultats fut de m’aliéner Agrippine, Néron et leurs amis. Ils s’imaginaient que je ne pourrais rien cacher à Ælia et que celle-ci rapporterait tout à son frère. J’en fus très attristé, mais je compris qu’il était inutile d’essayer de détromper Agrippine. Elle était alors en deuil de sa sœur Julilla, qui venait de mourir après vingt ans d’exil sur l’îlot misérable de Trémérus. Pour lui éviter de la gêne, je cessai de fréquenter sa maison. Cependant Ælia et moi n’étions mari et femme que de nom. La première chose qu’elle me dit en pénétrant dans la chambre nuptiale fut :
    — Comprends-moi bien, Claude, je ne veux pas que tu me touches ; si jamais nous sommes encore obligés de partager un lit, comme ce soir, il y aura un couvre-pieds entre nous, et au premier geste de ta part – à la porte !
    — Merci, répondis-je : tu m’ôtes un grand poids de l’esprit.
    C’était une femme terrible. Elle avait l’éloquence bruyante d’un crieur au marché d’esclaves. Je renonçai bientôt à essayer de lui tenir tête. Naturellement je continuais à habiter Capoue et elle ne venait jamais m’y rendre visite, mais Séjan tenait à ce que pendant mes séjours à Rome on me vît le plus possible en sa compagnie.
    Néron n’était pas de force à lutter contre Séjan et Livilla. Agrippine lui répétait souvent de peser chacune de ses paroles, mais il était beaucoup trop franc pour dissimuler sa pensée. Parmi les jeunes patriciens en qui il avait confiance se trouvaient plusieurs agents secrets de Séjan, qui prenaient note de tout ce qu’il disait dans les occasions publiques. Pis encore, sa femme, Héluo, qui était la fille de Livilla, rapportait toutes ses confidences à sa mère. Et pour finir son frère Drusus, à qui il se fiait plus qu’à sa femme elle-même, le jalousait d’être l’aîné et le favori d’Agrippine. Drusus alla dire à Séjan que Néron lui avait proposé de s’embarquer secrètement pour la Germanie avec lui, de se mettre sous la protection des régiments de Germanicus et de marcher sur Rome. « Attends encore un peu, lui dit Séjan : il faudra raconter cela à Tibère, mais le moment n’est pas encore venu. »
    Pendant ce temps, Séjan faisait courir le bruit que Tibère s’apprêtait à accuser Néron de trahison. Les amis du jeune homme commencèrent à l’abandonner. Deux ou trois d’entre eux refusèrent ses invitations, puis lui rendirent

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