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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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suite une grave disette à Rome. Caligula jura de se venger de Neptune.
    Il avait maintenant pour trouver de l’argent des moyens fort ingénieux, qui amusaient tout le monde excepté ses victimes. Par exemple, après avoir réduit des jeunes gens à l’esclavage à force d’amendes et de confiscations, il les envoyait à l’école des gladiateurs, puis, une fois leur entraînement achevé, les faisait combattre dans l’amphithéâtre. Étant esclaves, ils ne touchaient pas de salaire et ne lui coûtaient que leur nourriture et leur logement. S’ils étaient tués on n’en parlait plus : s’ils étaient vainqueurs Caligula les mettait aux enchères. Il faisait monter les prix d’une façon absurde en faisant semblant de croire que les gens avaient surenchéri alors qu’ils n’avaient fait que se gratter la tête ou se frotter le nez. Mon tic nerveux m’attira beaucoup d’ennuis : on me mit ainsi sur le dos trois gladiateurs, au prix moyen de deux mille pièces d’or par tête. L’un d’eux se trouvait d’ailleurs être un sujet excellent ; cependant Caligula paria une grosse somme contre lui, et le jour du combat le malheureux pouvait à peine se tenir debout : on avait mêlé des drogues à sa nourriture. Mais la pire mésaventure fut celle d’un magistrat du nom d’Aponius, qui s’endormit pendant la vente. Chaque fois que sa tête ballottait sur sa poitrine, Caligula faisait monter l’enchère, si bien qu’à son réveil il se trouva débiteur de quatre-vingt-dix mille pièces d’or et propriétaire de treize gladiateurs dont personne d’autre n’avait voulu.
    Le jour où mon gladiateur fut battu, il se produisit à l’amphithéâtre un incident amusant. Un des combats devait mettre aux prises cinq rétiaires et le même nombre de poursuivants armés d’épées et de boucliers. J’avais parié mille pièces d’or pour les premiers – Caligula cinq mille pour les autres. Mais à peine le combat commencé, je vis que les rétiaires avaient été payés pour se laisser battre. Ils se rendirent un à un : finalement ils se trouvèrent tous étendus, le visage dans le sable, chacun avec son poursuivant penché sur lui, l’épée haute. Les spectateurs baissaient le pouce pour demander la mort. Caligula, comme président, pouvait l’accorder ou la refuser : il l’accorda. Or il avait secrètement promis aux rétiaires, s’ils se faisaient battre volontairement, de leur laisser la vie. L’un d’eux, outré de cette traîtrise, saisit tout à coup son poursuivant à bras-le-corps, le renversa, ramassa un trident et un filet, et s’éloigna d’un bond. Si incroyable que cela paraisse, je finis par gagner mes cinq mille pièces ! Le rétiaire furieux tua d’abord par-derrière deux des poursuivants qui venaient d’achever leur victime, puis les trois derniers, l’un après l’autre, au fur et à mesure qu’ils se précipitaient sur lui. Caligula en pleurait de dépit. « Le monstre ! s’écriait-il. Tuer cinq jeunes gladiateurs d’avenir avec son horrible trident à truites ! » Quand je dis que je gagnai mes cinq mille pièces, je veux dire que je les aurais gagnées si je n’avais eu le tact d’annuler les paris. « Un contre cinq, ce n’est pas de jeu », déclarai-je.
    Jusque-là Caligula avait toujours parlé de Tibère comme d’un misérable et encouragé les autres à en faire autant. Mais un beau jour il entra au Sénat et prononça une longue apologie de son grand-oncle. « Que personne, dit-il, ne risque un mot contre lui ! C’est un grand méconnu. Moi, comme Empereur, je peux le critiquer, mais vous n’en avez pas le droit. Au fait, vous êtes coupables de trahison. Un sénateur n’a-t-il pas prétendu l’autre jour que mes frères Néron et Drusus avaient été accusés à tort et ensuite assassinés par Tibère ? Quelle stupéfiante déclaration ! » Il produisit alors les rapports qu’il avait fait semblant de détruire et prouva que le Sénat, loin de mettre en doute les accusations de Tibère contre ses frères, lui avait à l’unanimité livré ces derniers en le chargeant de les punir. « Si vous saviez les accusations fausses, dit Caligula, c’est vous qui êtes des meurtriers et non pas lui, puisque lui, du moins, était de bonne foi ; et vous avez attendu sa mort pour rejeter sur lui votre traîtrise et vos crimes. Si au contraire les charges vous ont semblé justes, ce n’était pas un meurtrier et vous êtes coupables de

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