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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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touchait Postumus – à peine avait-il le dos tourné que les méchancetés recommençaient.
    Livie eut vent de l’intrigue entre Livilla et Castor et se mit à les surveiller de près. Une nuit un fidèle serviteur vint l’avertir que Castor s’était introduit par le balcon dans la chambre de Livilla : elle plaça une sentinelle armée devant la fenêtre et alla frapper à la porte de sa petite-fille. Au bout d’une minute ou deux celle-ci vint ouvrir, feignant le sommeil, mais Livie entra dans la chambre et trouva Castor derrière un rideau. Elle posa ses conditions pour ne pas dénoncer les coupables à Auguste, qui les eût certainement exilés : elle promit même, à ces conditions, de faciliter leur mariage. En effet, peu après mes fiançailles avec Émilie, Postumus, à son grand désespoir, fut fiancé à une jeune fille du nom de Domitia, et Livilla épousa Castor.
    Livie considérait la fille de Julie, Julilla, et son mari Émilius, comme un obstacle à ses desseins. Elle eut la chance de découvrir qu’Émilius et un certain Cornélius, petit-fils du grand Pompée, projetaient de renverser Auguste. La conspiration n’alla pas loin, le premier ex-consul à qui s’adressèrent les deux conjurés ayant refusé de rien entendre. Auguste vit dans l’échec du complot une preuve de sa propre stabilité : il se sentit assez fort pour se montrer généreux. Au lieu de condamner Émilius et Cornélius à mort ou à l’exil, il se borna à les faire appeler et leur fit un sermon sur leur folle ingratitude. Cornélius, se jetant à ses pieds, le remercia bassement de sa clémence. « Ne te rends pas encore plus ridicule, dit Auguste. Je ne suis pas un tyran pour qu’on me renverse ou pour qu’on m’adore : je suis un simple fonctionnaire de la République, pourvu temporairement de pouvoirs plus étendus dans l’intérêt de l’ordre public. Le meilleur remède à ta folie sera de te nommer consul l’année prochaine et de satisfaire ton ambition en t’accordant ainsi des honneurs égaux aux miens, puisqu’il n’y a pas à Rome de rang plus élevé que celui-là. » Théoriquement, c’était exact. Émilius, qui était fier, restait debout. Auguste lui déclara que comme parent il aurait dû montrer plus de délicatesse et comme ancien consul plus d’intelligence. Là-dessus il le priva de tous ses titres.
    Le plus amusant, c’est que tout l’honneur de la clémence d’Auguste revint à Livie, qui prétendit avoir intercédé, par indulgence féminine, pour la vie des deux conspirateurs. Elle obtint la permission de publier un petit livre plein de tableaux intimes, qu’elle avait intitulé : La Force et la Douceur : débat sur l’oreiller. On y voit Auguste inquiet, agité, incapable de trouver le sommeil. Livie lui demande gentiment de dire ce qu’il a sur le cœur, et ils examinent ensemble le sort d’Émilius et de Cornélius. Auguste craint d’être obligé de les mettre à mort, pour qu’on ne puisse pas dire qu’il a peur d’eux.
    — Cette obligation de se venger et de punir sans cesse est bien douloureuse pour un homme d’honneur, ma femme bien-aimée.
    — Tu as raison, répond Livie, et si je l’osais je te donnerais un conseil que personne – pas même ton ami le plus intime – n’oserait te donner. Mais, bien que simple femme, je partage également ta bonne et ta mauvaise fortune : tant que tu règnes je règne avec toi, et ta fin – dont les dieux nous gardent ! – sera ma fin.
    Elle lui conseille le pardon.
    — Les douces paroles chassent la colère : le pardon amollit le cœur le plus dur… Je ne veux pas dire qu’on doive absoudre tous les criminels sans exception : il est des cas de dépravation incurable qu’il faut extirper sans délai, comme un cancer, du corps politique. Mais s’il s’agit de fautes de jeunesse ou d’ignorance, mieux vaut punir aussi doucement que possible.
    Auguste admire sa sagesse et se déclare convaincu. Remarquez avec quelle adresse Livie rassure l’univers en affirmant que la fin d’Auguste sera sa fin ! Et rappelez-vous la phrase : « dépravation incurable ». Ma grand-mère savait ce qu’elle faisait…
    Elle conseilla ensuite à Auguste de manifester son mécontentement impérial aux parents d’Émilie en annulant mes fiançailles avec leur fille : il y consentit d’autant plus volontiers que celle-ci se plaignait amèrement à lui d’être obligée de m’épouser. Livie n’avait plus rien

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