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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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Livie tenait à ce que les fiançailles fussent célébrées dans la stricte intimité, de peur que je ne me rendisse ridicule devant la foule. J’aimais mieux cela : je détestais les cérémonies. Il n’y aurait que les témoins indispensables, pas de festin : seulement le sacrifice rituel d’un bélier dont on examinerait ensuite les entrailles pour voir si les augures étaient favorables. Ils le seraient sûrement : Auguste, qui officiait lui-même en l’honneur de Livie, y tiendrait la main. Ensuite on s’engagerait par contrat, en stipulant le chiffre de la dot, à ce que la seconde cérémonie eût lieu dès ma majorité. Camille et moi nous prendrions la main et échangerions un baiser, puis je lui donnerais un anneau d’or et elle retournerait chez son grand-père tranquillement, sans musique, comme elle serait venue.
    Je souffre encore aujourd’hui en parlant de cette journée. Vêtu de frais, couronne en tête, et fort nerveux, je me tenais avec Germanicus devant l’autel familial, attendant Camille. Elle était en retard, très en retard. Les témoins commençaient à s’impatienter et à murmurer contre l’incorrection de Médullinus qui les faisait attendre dans une occasion pareille. Enfin le portier annonça Furius, l’oncle de Camille : celui-ci entra, blanc comme la cendre et vêtu de deuil. Après s’être excusé en quelques mots auprès d’Auguste et du reste de l’assistance, il dit :
    — Un grand malheur est arrivé. Ma nièce est morte.
    — Morte ! s’écria Auguste. Quelle plaisanterie ! Il n’y a pas une demi-heure qu’on est venu nous dire qu’elle était en route.
    — Elle est morte empoisonnée. En apprenant que la fille de la maison partait pour se fiancer, la foule, comme il arrive toujours, s’était rassemblée devant la porte. Quand ma nièce sortit, les femmes se pressèrent autour d’elle pour l’admirer. Elle poussa un petit cri comme si on lui avait marché sur le pied, mais personne n’y fit attention et elle monta en litière. Nous n’étions pas sortis de la rue quand ma femme, qui était avec elle, la voyant pâlir, lui demanda si elle avait peur. « Oh ! ma tante, répondit-elle, cette femme m’a enfoncé une aiguille dans le bras et je me trouve mal. » Ce furent ses dernières paroles, mes amis. Quelques minutes plus tard elle était morte. J’ai changé de vêtements et je suis accouru en hâte. Pardonnez-moi.
    J’éclatai en sanglots désordonnés. Ma mère, furieuse de mon manque de tenue, me fit conduire par un affranchi dans ma chambre où je restai plusieurs jours sans boire ni manger, en proie à une fièvre nerveuse. Sans mon cher Postumus je crois que je serais devenu fou. On ne découvrit jamais la meurtrière : personne ne devinait le motif qui l’avait fait agir. Quelques jours plus tard Livie dit à Auguste que dans la foule se trouvait une jeune Grecque qui se jugeait – sans doute à tort – lésée par l’oncle de Camille : elle avait pu chercher à se venger de cette monstrueuse façon.
    Quand je me sentis mieux – ou du moins pas plus mal qu’à l’ordinaire – Livie dit à Auguste que la mort de la jeune Médullina Camille était arrivée bien mal à propos. En dépit du sentiment bien compréhensible d’Auguste, il faudrait sans doute maintenant fiancer Émilie avec son impossible petit-fils. « Tout le monde, dit-elle, s’étonne que ce ne soit pas déjà fait. » Comme toujours, Livie l’emporta : quelques semaines plus tard on me fiança à Émilie. Je subis la cérémonie sans me faire remarquer – la mort de Camille m’avait rendu indifférent à tout : mais Émilie avait les yeux rouges, moins de chagrin que de rage.
    Postumus, le pauvre garçon, était amoureux de ma sœur Livilla, la veuve de son frère Caius : il la voyait souvent au palais, où elle était restée après la mort de son mari. On pensait qu’il l’épouserait et renouerait l’alliance brisée par la disparition de son frère. Sa passion flattait Livilla : elle faisait la coquette avec lui, mais elle ne l’aimait pas. Son idéal, c’était Castor, un beau garçon cruel et dissolu qui semblait fait pour elle. J’étais au courant de leurs relations et en souffrais pour Postumus, d’autant plus que celui-ci ne la voyait pas telle qu’elle était et que je n’osais pas lui ouvrir les yeux. Quand nous étions tous trois ensemble, elle affectait pour moi une tendresse qui me révoltait autant qu’elle

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