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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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Pour peu qu’il y eût du bien en un individu Germanicus semblait le faire épanouir. Il me dit qu’il croyait difficilement Livilla ou Émilie capables d’un crime aussi bas – il reconnut cependant que ces derniers temps Livilla l’avait déçu. Il ajouta que moi-même je ne rendais leurs motifs clairs qu’en y mêlant notre grand-mère Livie, ce qui était évidemment ridicule. Qui donc, à moins d’être fou, demanda-t-il avec une indignation subite, pouvait soupçonner Livie de les avoir poussées à une telle action ? Autant soupçonner la Bonne Déesse d’empoisonner les puits de la ville. À mon tour je lui demandai s’il croyait vraiment Postumus coupable de deux tentatives de viol en deux nuits, dans les circonstances les plus imprudentes – sans parler du mensonge fait ensuite à Auguste et à nous. Germanicus se tut. Il avait toujours aimé Postumus et avait confiance en lui. Je profitai de mon avantage pour lui faire jurer sur les mânes de notre père que s’il découvrait jamais la moindre preuve de l’innocence de Postumus il irait dire à Auguste tout ce qu’il savait de l’histoire et le forcerait à rappeler Postumus et à punir les menteuses comme elles le méritaient.
    En Germanie il ne se passait pas grand-chose. Tibère tenait les ponts, mais ne se risquait pas à franchir le Rhin : Auguste s’impatienta de nouveau contre lui, le pressa de venger Varus et de reconquérir les aigles perdues. Finalement il passa le fleuve, mais comme les Germains se dérobaient et qu’il redoutait une embuscade, il se borna à brûler quelques camps et à faire parade de sa force. Au printemps Rome célébra enfin le triomphe longtemps attendu des victoires dalmates : pour donner confiance on y ajouta un triomphe germanique. Germanicus était maintenant consul, et Auguste écrivit une lettre pour le recommander au Sénat ; en même temps il recommandait le Sénat à Tibère, voulant montrer ainsi qu’il plaçait ce dernier, comme devant lui succéder à l’Empire, au-dessus du Sénat.
    Livie ne me recevait toujours pas à sa table, et le cœur de ma mère n’avait pas changé à mon égard : seul Germanicus m’introduisait, chaque fois qu’il en avait l’occasion, dans la société de ses amis. À cause de lui on me témoignait certains égards, mais l’opinion de ma famille à mon sujet était connue, et comme il était admis que Tibère la partageait, personne ne cherchait à entretenir avec moi des relations suivies. Germanicus me conseilla de donner lecture de mon dernier ouvrage historique à quelques personnalités du monde littéraire. Je choisis un volume auquel j’avais beaucoup travaillé et qui devait intéresser mon auditoire : un exposé des formules usitées pendant les ablutions rituelles par les prêtres étrusques, avec la traduction latine, ce qui expliquait beaucoup de nos cérémonies lustrales dont la signification exacte s’était obscurcie avec le temps. Germanicus le lut et le montra à ma mère et à Livie, qui approuvèrent, puis il eut la bonté de me faire répéter la lecture d’un bout à l’autre et me félicita de mon travail et de mon élocution. Il dut, je pense, en parler beaucoup autour de lui, car la salle où je devais donner mon audition était comble. Ni Livie ni Auguste ne se trouvaient là, mais il y avait ma mère, Livilla, et Germanicus lui-même.
    J’étais de bonne humeur, aucunement nerveux. Sur le conseil de Germanicus j’avais pris une coupe de vin pour me donner du courage. Au cas où Auguste et Livie viendraient on avait disposé pour eux deux fauteuils superbes – ceux qu’on leur réservait toujours lorsqu’ils venaient à la maison. Quand chacun eut pris sa place on ferma les portes et je commençai à lire. Tout marchait à merveille : je me rendais compte que je ne lisais ni trop vite, ni trop lentement, ni trop haut, ni trop bas, mais tout juste comme il fallait, et que mon auditoire, qui n’attendait pas beaucoup de moi, prenait malgré lui intérêt à ma lecture. Mais soudain un incident malencontreux se produisit. On frappa fortement à la porte : comme personne n’ouvrait on frappa de nouveau ; puis la poignée de la porte s’agita bruyamment et je vis entrer l’homme le plus gros que j’eusse jamais vu, vêtu d’une robe de chevalier et tenant à la main un grand coussin brodé.
    Je m’arrêtai de lire : j’étais arrivé à un passage important et personne ne m’écoutait plus : tous les yeux

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