Moi, Claude
la main et la baisa. Puis tous s’éloignèrent ensemble pendant que Fabius et Clément montaient la garde. Ce qu’ils se dirent, personne n’en sait rien, mais lorsqu’ils revinrent Auguste pleurait. Postumus et Clément échangèrent leurs vêtements : Postumus retourna à l’île d’Elbe avec Auguste et Fabius, Clément devait prendre sa place à Planasie jusqu’au moment où l’ordre de le libérer arriverait, ce qui, dit Auguste, ne serait pas long. On avait promis à Clément sa liberté et une grosse somme d’argent s’il jouait bien son rôle. Il devait feindre d’être malade pendant quelques jours et laisser pousser sa barbe et ses cheveux : de la sorte personne ne remarquerait la supercherie, d’autant que la nouvelle garde n’avait guère vu Postumus que quelques minutes.
Livie se douta que Tibère tramait quelque chose derrière son dos. Elle savait qu’il détestait la mer et ne voyageait jamais en bateau quand il pouvait faire autrement, même au prix d’une perte de temps. Il est vrai qu’il ne pouvait aller en Corse que par mer, mais ces pirates ne représentaient pas un danger bien grave et il aurait pu facilement envoyer Castor ou n’importe quel subordonné commencer l’enquête à sa place. Elle se mit à faire des recherches : elle apprit qu’Auguste, en s’arrêtant à l’île d’Elbe, avait fait changer la garde de Postumus, et qu’il était allé le même soir avec Fabius pêcher la seiche en barque, accompagné d’un seul esclave.
Fabius avait une femme, Marcia, avec laquelle il partageait tous ses secrets : Livie, qui ne s’était guère occupée d’elle jusque-là, commença à rechercher sa compagnie. Marcia était naïve et facile à tromper. Quand Livie se fut assurée de sa confiance, elle la prit à part un beau jour et lui demanda : « Dis-moi, ma chère, Auguste a-t-il été très ému de revoir Postumus après si longtemps ? Il est beaucoup plus sensible qu’il ne veut le laisser croire. » Or Fabius avait recommandé à Marcia de ne parler de ce voyage à personne au monde, sous peine de conséquences funestes pour lui. Elle refusa d’abord de répondre. « Oh ! dit Livie en riant, quelle prudence ! Tu me fais penser à cette sentinelle qui, un soir, en Dalmatie, refusait l’entrée du camp à Tibère en personne, sous prétexte qu’il ne savait pas le mot de passe. « Les ordres sont les ordres, mon général ! » disait cet imbécile. Marcia, ma chère, Auguste n’a pas de secrets pour moi, ni moi pour Auguste. Mais je te félicite de ta discrétion. » Marcia s’excusa. « Fabius, dit-elle, m’a raconté qu’il avait beaucoup pleuré. – Je le pensais bien, dit Livie. Mais, Marcia, peut-être vaut-il mieux ne pas rapporter notre conversation à ton mari. Auguste n’aime pas qu’on sache à quel point il se confie à moi. Je suppose que Fabius t’a parlé de l’esclave. »
C’était un coup de filet au hasard. L’esclave pouvait n’avoir aucune importance, mais la question valait la peine d’être posée.
— Oui, répondit Marcia. Fabius m’a dit qu’il ressemblait à Postumus d’une façon extraordinaire : il est seulement un peu plus petit.
— Tu ne penses pas que les Gardes remarqueront la différence ?
— Fabius m’a dit qu’il ne le pensait pas. Clément a appartenu à la maison de Postumus : s’il est prudent il ne se trahira donc pas par ignorance ; d’ailleurs, comme tu sais, la garde avait été changée.
Il ne restait plus à Livie qu’à découvrir la retraite de Postumus, qui, pensait-elle, devait se dissimuler sous le nom de Clément. Elle pensait qu’Auguste avait l’intention de lui rendre sa faveur, peut-être même de passer par-dessus Tibère et de prendre Postumus, en manière de réparation, pour successeur direct. De nouvelles difficultés s’étaient élevées dans les Balkans : Auguste voulait y envoyer Tibère avant que les choses prissent un tour sérieux. Germanicus était en France, occupé à recueillir le tribut ; Auguste parlait d’envoyer aussi Castor au loin, en Germanie. Il avait de fréquentes conversations avec Fabius.
Un soir que celui-ci se rendait au palais, il fut attaqué dans la rue et frappé de douze coups de poignard par des hommes masqués qui prirent aussitôt la fuite. Aux funérailles un incident scandaleux se produisit : Marcia se jeta sur le cadavre de son mari en lui demandant pardon d’avoir causé sa mort par son imprudente
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