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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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ni oncle ni frère aîné ne pourront jamais prendre sa place. Car le règne d’Auguste avait été très long, et il fallait qu’un homme eût déjà dépassé l’âge mûr pour pouvoir se souvenir d’autre chose. Il ne faut donc pas s’étonner que le Sénat se soit réuni pour délibérer si les honneurs divins qu’on lui avait de son vivant rendus dans les provinces ne devaient pas maintenant lui être votés dans la ville même.
    Le fils de Pollion, Gallus, fut le premier sénateur à oser mettre en doute le bien-fondé de la proposition. Tibère le haïssait pour avoir épousé Vipsania (sa première femme, on s’en souvient, qu’il avait répudiée bien malgré lui pour épouser Julie). Gallus n’avait jamais démenti publiquement les bruits qui faisaient de lui le véritable père de Castor. Il avait de l’esprit et la langue bien pendue. Il se leva et demanda sur la foi de quel signe divin on admettait qu’Auguste serait le bienvenu dans les Demeures Célestes, sur la seule recommandation de ses amis et admirateurs mortels.
    Un silence gêné lui répondit. À la fin, Tibère se leva lentement. « Il y a cent jours, dit-il, le piédestal de la statue de mon père Auguste, vous vous en souvenez, a été frappé par la foudre. La première lettre de son nom a été effacée : il n’est resté que les mots Esar Auguste. Or que signifie la lettre C ? Elle représente le nombre cent. Et que signifie Esar ? Je vais vous le dire. Cela veut dire Dieu, en étrusque. Donc, évidemment, cent jours après la chute de la foudre, Auguste doit devenir Dieu à Rome. Où voulez-vous trouver un signe plus explicite ? » Tibère s’attribuait le mérite de cette interprétation, mais c’était moi qui avais le premier donné un sens à Esar, quand on avait discuté ce mot étrange. J’étais le seul à Rome à connaître l’étrusque. Je l’avais dit à ma mère, qui m’avait traité de visionnaire, mais sans doute en avait-elle été assez frappée pour rapporter la chose à Tibère, car je n’en avais parlé à personne qu’à elle.
    Gallus demanda pourquoi Jupiter donnerait ses instructions en étrusque plutôt qu’en grec ou en latin. Personne n’avait-il vu de signe plus concluant ? C’était parfait de créer des dieux nouveaux pour d’ignorants provinciaux asiatiques, mais l’honorable Chambre devait y regarder à deux fois avant d’ordonner à des citoyens cultivés d’adorer un des leurs, si remarquable fût-il. En s’adressant ainsi à l’orgueil et au bon sens romain Gallus eût peut-être empêché le décret, sans l’intervention d’un magistrat supérieur nommé Atticus. Celui-ci se leva solennellement et déclara que tandis qu’on brûlait le corps d’Auguste au Champ de Mars il avait vu un nuage descendre du ciel et y remonter avec l’esprit du mort, tout comme la tradition rapporte que cela s’est produit pour Romulus et pour Hercule. Il était prêt à jurer par tous les dieux qu’il disait la vérité.
    Des applaudissements retentissants accueillirent ce discours, et Tibère triomphant demanda si Gallus avait d’autres remarques à faire. Gallus répondit que oui. Il avait souvenance d’une autre tradition primitive au sujet de la mort et de la disparition soudaine de Romulus : les historiens les plus sérieux eux-mêmes laissaient le choix entre celle-ci et celle qu’avait citée son honorable ami Atticus. C’était que Romulus inspirait tant de haine par sa tyrannie qu’un beau jour, profitant d’un brouillard subit, les sénateurs l’avaient assassiné et coupé en morceaux, puis avaient emporté les morceaux sous leurs robes.
    « Mais Hercule ? demanda précipitamment quelqu’un.
    — Tibère lui-même, dans son éloquente oraison funèbre, a rejeté toute comparaison entre Auguste et Hercule. Celui-ci, nous a-t-il dit textuellement, ne s’est attaqué dans son enfance qu’à des serpents, plus tard à un cerf ou deux, à un sanglier, à un lion – encore ne s’en est-il chargé qu’à contrecœur et sur l’ordre d’un autre. Auguste, lui, a eu affaire non pas à des brutes mais à des hommes : il l’a fait de son plein gré… et ainsi de suite. Mais ma raison à moi de rejeter la comparaison, ce sont les circonstances de la mort d’Hercule. Là-dessus Gallus se rassit. L’allusion était parfaitement claire : la légende voulait qu’Hercule fût mort empoisonné par sa femme.
    Cependant la proposition fut votée : on éleva des

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