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Mon Enfant De Berlin

Mon Enfant De Berlin

Titel: Mon Enfant De Berlin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Wiazemsky
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et les deux hommes se sont inclinés. Maintenant, dans le faux silence de la nuit, Claire peut repenser avec plus de calme au pourquoi de ce voyage.
    Prouver que Wia n’a jamais appartenu au mouvement d’extrême droite la Cagoule, se révèle plus compliqué que ce que l’on était en droit d’imaginer. À Paris, au ministère de la Justice, des personnes non encore identifiées font obstruction. Léon de Rosen défend son ami comme s’il s’agissait de lui-même. C’est un homme courageux, habitué à être obéi et approuvé de tous. Pour lui, la justice est une exigence concrète, un combat de tous les jours, de toute la vie.
    Mais Léon de Rosen n’est pas toujours diplomate. Il lui arrive de se laisser emporter par sa subjectivité et cela quel que soit son interlocuteur, y compris Wia. Claire repense à leurs disputes durant les premières heures du voyage. Elle a déjà oublié les détails mais se souvient que Léon soutenait l’idée qu’il fallait confronter Wia à ses accusateurs.
    Wia trouvait le moment mal choisi, la situation encore trop confuse. Le fait que Claire ait été désignée pour ramener d’urgence une automobile à Paris les avait momentanément mis d’accord : ils viendraient avec elle. Wia, plus superstitieux que jamais, avait vu dans ce hasard un heureux présage, l’amorce du retour de ce qu’il appelait sa « bonne étoile ». « Je les laisse où ils veulent, je dépose l’auto au garage et je vais voir mes parents », pense Claire avec légèreté. Sa place d’avion est déjà retenue sur un vol de l’après-midi, elle se réjouit d’être le soir même de retour à Berlin.
    Le jour se lève sur une campagne paisible, couverte de rosée. Claire traverse des villages encore endormis où les coqs ont commencé de chanter. Elle croit reconnaître des parfums de fleurs, une odeur de pain. Elle s’étonne de retrouver des paysages qui ne sont plus aussi marqués par la guerre ou qui ont été miraculeusement épargnés. Elle aime d’amour ce pays, le sien. À voix basse, de façon à ne pas réveiller les deux hommes qui dorment, elle chante Charles Trenet :
     
Le vent dans les bois fait hou hou hou
La biche aux abois fait mê mê mê
La vaisselle cassée fait cric crin crac
Et les pieds mouillés font flic flic flac.
Mais...
     
Boum
Quand votre cœur fait boum
     
    — Non, Wia, ce n’est pas possible...
    Claire a déposé Rosen dans Paris et s’apprêtait à en faire de même avec Wia, quand celui-ci, soudain, lui demande de venir avec lui voir ses parents. Claire objecte qu’ils ne sont pas prévenus, qu’ils ne l’attendent pas, qu’une première rencontre se prépare mieux et à l’avance. Wia parle de l’hospitalité russe. Il balaye un par un ses arguments. Il insiste avec une ardeur fiévreuse qu’elle ne lui connaît pas, comme si c’était pour lui une question de vie ou de mort, comme si c’était la plus grande preuve d’amour qu’elle pouvait lui donner. Claire objecte encore qu’elle n’a pas dormi, qu’elle a besoin de faire une toilette, de se coiffer, de se maquiller ; de quitter ses vêtements froissés par le voyage pour d’autres plus élégants.
    — Je dois te faire honneur, Wia... C’est tellement important la première impression que les gens ont de vous... C’est, c’est... déterminant !
    — Tu n’es jamais plus belle que dans ton uniforme de la Croix-Rouge.
    Claire trop lasse pour insister davantage se laisse entraîner dans l’immeuble de la rue Raynouard où vit la famille de Wia. En attendant l’ascenseur, il l’étreint avec passion, couvre son visage de baisers.
    — Je suis si heureux que tu rencontres enfin mes parents. Si heureux...
     
    Un premier coup de sonnette, puis un deuxième et un troisième plus insistant. Wia, soudain très nerveux, s’impatiente.
    — Mais qu’est-ce qu’ils fichent...
    De l’autre côté de la porte lui parviennent des bruits confus, une sorte de piétinement accompagné de murmures. Enfin la porte s’ouvre et Wia entre dans l’appartement. Claire, du palier où elle est restée figée par la surprise, découvre deux personnes âgées en robe de chambre, une pièce en désordre où traînent les restes d’un repas. Son attention est surtout retenue par la femme en bigoudis, aux traits fatigués, qui la fixe aussi effrayée qu’elle.
     
    Sur un banc de la rue La Fontaine, Claire se tient prostrée, en proie à une panique animale. Des passants, la croyant

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