Mon frère le vent
bras pleins de ces choses que les femmes trouvent importantes — paniers et aiguilles, fourrures et vessies d'eau. Waxtal n'eut pas un regard pour elle, fit comme s'il ne remarquait même pas sa présence. Mais, du coin de l'œil, il guetta sa réaction à la vue des piles de marchandises. Mais elle se comporta comme si tout ce qu'avaient apporté les chasseurs était là depuis toujours. Elle posa ses affaires, se rendit à la cache de nourriture et commença à préparer à manger.
Waxtal s'aperçut que les hommes l'observaient. Il remarqua le silence de l'ulaq, brisé seulement par le bruit du couteau de Kukutux qui s'affairait à la préparation du repas. En cela, elle était comme toutes les femmes, persuadée qu'il n'existait rien de plus important au monde que les petites choses féminines.
Waxtal se mit debout, tendit les mains au-dessus des hommes et, paupières closes, entonna un chant. C'était une bénédiction en langue Morse ; mais qu'il transforma bientôt en langue Premiers Hommes afin de conférer quelque mystère, afin que les Chasseurs de Baleines sachent qu'il invoquait les esprits bénéfiques. Il bougea ses mains puis ses pieds au rythme lent de ses paroles. Avec leurs cadeaux, les hommes avaient gagné plus qu'une brève formule. Quel chasseur ne se réjouissait d'un tel cérémonial ?
Waxtal chanta donc. Finalement, s'apercevant par la fente de ses yeux que les hommes s'impatientaient, il se rendit près des marchandises. Posant les mains sur chaque présent, il marmonna des paroles de bénédiction. Après quoi il s'empara d'un ventre de phoque d'huile offert par un jeune chasseur et le tint au bout de ses bras tremblants.
— Les esprits disent que ce ventre de lion de mer va aux nouvelles veuves, aux femmes de celui que le morse a emporté. Les esprits disent que c'est le premier signe que la malédiction quittera cette île.
Un murmure balaya le cercle des hommes et II Nage, frère de Menhaden, s'avança pour prendre le ventre de lion de mer des mains de Waxtal.
— Je te remercie pour Menhaden, dit-il, les yeux baissés en signe de respect.
— Ne me remercie pas, remercie les esprits.
Waxtal attendit que le jeune homme ait regagné sa place au milieu des chasseurs avant d'ajouter :
— J'ai promis de vous faire part de ce que m'ont dit les esprits. Écoutez sans parler. Ecoutez et entendez, car il ne sera pas aisé de lever la malédiction et certains ne voudront peut-être pas faire ce qui doit être fait.
Il dévisagea chaque homme, tentant de les imaginer harpon et lance à la main, de voir lesquels agiraient contre d'autres hommes, de se rappeler ceux qui, parmi les vieux chasseurs, avaient le mieux combattu les Petits Hommes. Puis il commença.
— Voici deux ou trois étés, un jeune homme des Traqueurs de Phoques est venu sur cette plage. C'était le petit-fils de l'alananasika Chasseur de Baleines, ce vieillard mort désormais et honoré parmi ceux qui sont dans les Lumières Dansantes.
» Ce vieil homme voulait que son petit-fils apprenne les manières des Chasseurs de Baleines. Qui ne le souhaiterait ? Pourquoi laisser un petit-fils doué pour le maniement des armes et de l'ikyak vivre parmi les Traqueurs de Phoques ? Qui croit qu'un Traqueur de Phoques est plus habile, plus puissant qu'un Chasseur de Baleines ?
Un murmure d'approbation se répandit avant que Waxtal ne poursuive.
— Même la mère du garçon, la femme Chagak, bien que fille d'un Traqueur de Phoques, voulait que son fils soit élevé par son grand-père afin qu'il connaisse les coutumes incomparables des Chasseurs de Baleines. Mais cette femme Chagak — dans ses rêves du pouvoir qui serait donné à son fils — mentit à son grand-père. Le garçon Samig...
Un souffle brutal visant à le faire taire amena Waxtal à lever la main afin de poursuivre de plus belle.
— Ce garçon Samig a été conçu par un Petit Homme, un des ennemis qui sont venus sur cette île. Et tandis que les Chasseurs de Baleines se réjouissaient après la bataille contre les Petits Hommes, les esprits des Petits Hommes, vaincus sur cette île, rassemblaient
leur pouvoir en un seul homme, alors encore enfant nourri au sein d'une Traqueur de Phoques.
Les chasseurs chuchotèrent, hochant la tête, leurs yeux lançant des éclairs rageurs, si bien que Waxtal dut lever les deux mains et attendre que le silence se fasse de nouveau afin de poursuivre. Il ouvrit la bouche quand un homme l'interrompit.
— Comment
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