Mon frère le vent
cela de la bouche de grands-mères enseignant à leurs petits-enfants.
— Suis-je un gamin que tu me dises cela ?
Mais il se rendit à sa réserve de nourriture, ressortit la natte et la posa sur le sol près de la plus grande lampe.
— Voilà dit-il avec force. Il y a à manger.
La voix ne répondit pas et, bien que Waxtal fût retourné s'accroupir près de la défense, les voix se turent. Il finit par gagner sa chambre où il prit ses outils avant de s'installer près de la lumière la plus vive. Il prit également un bout de viande de morse qu'il mâcha tout en allant chercher la défense sculptée qu'il posa près de lui.
Il ferma les paupières dans l'espoir qu'une image surgirait dans son esprit, une idée qu'il pourrait ciseler. Bientôt, il dessinait des lignes, le visage de Samig, l'homme à la main repliée sur la poitrine, avec des marques comme des javelots représentant les malédictions que les esprits lui lançaient.
Waxtal entendit Roc Dur l'appeler du haut du toit. Waxtal s'interrompit et posa ses outils.
— Entre, je suis là !
L'homme descendit et ôta son suk. À peine était-il assis que Waxtal lui offrit les restes de la viande de morse apportée par Menhaden.
Roc Dur se servit, mâcha avec une extrême lenteur, avala au même rythme. Puis, d'un geste du menton vers Waxtal, il dit :
— Tu as appelé les morses.
— Oui.
— C'est bon que tu sois là. Du moins notre village a-t-il désormais de la viande fraîche.
Waxtal inclina la tête et dessina un sourire.
— Nos chasseurs, reprit Roc Dur, ne savent pas chasser le morse. Peux-tu les aider ?
— Un peu. J'ai chassé avec les Hommes Morses, mais je ne connais pas tous leurs secrets. Je sais effectivement qu'ils n'utilisent pas de harpons de phoques ou de lions de mer. Je te l'ai déjà dit.
Roc Dur hocha la tête.
— Tu dois demander à tes hommes de fabriquer des armes pour les morses. De longues hampes du bois le plus résistant. Des manches longs comme l'avant-bras. Des têtes de lance de la taille d'une main.
» Explique aussi à tes hommes que les morses se prennent à terre.
Détournant les yeux, il fixa du regard la lampe à huile.
— Ai-je besoin de te dire pourquoi ? ajouta-t-il.
— J'ai vu ce qui s'était passé, répondit Roc Dur en se resservant.
Bien que rassasié, Waxtal l'imita sans vergogne.
— Si nous faisons toutes ces choses, béniras-tu nos armes et feras-tu des incantations pour nos chasses ? demanda Roc Dur.
— Oui. Les Chasseurs de Baleines ont été bons pour moi. Tu m'as alloué cet ulaq, ajouta-t-il avec un geste large de la main.
Il sourit, sachant que Roc Dur constaterait la nudité de la pièce.
— Les femmes t'ont-elles apporté à manger ?
Waxtal désigna la natte près de Roc Dur, qui observa les quelques bouts de viande d'un air surpris.
— J'ai mangé un peu avant ta venue, dit Waxtal. J'en aurais gardé davantage si j'avais su que tu viendrais.
Le silence s'installa un moment, puis Roc Dur demanda :
— Si nous faisons toutes ces choses, aurons-nous des chasses heureuses ?
Waxtal ouvrit la bouche, la referma puis la rouvrit tout en haussant les épaules.
— Qui peut dire ?
— La malédiction pèse toujours, dit Roc Dur de cette voix tranquille qu'ont les hommes qui ont travaillé trop longtemps, trop dur, sans dormir.
— Oui. A ton avis, pourquoi votre chasseur est-il mort?
— A cause de son harpon. Et parce que nous n'avons pas offert de prières.
— C'est suffisant pour maudire une chasse, approuva Waxtal. Suffisant pour le faire rentrer bredouille après des jours en mer — peut-être un été ou deux. Mais le tuer ?
Waxtal secoua la tête.
— C'est le même mauvais sort qui frappe cette île depuis deux ans ? demanda Roc Dur.
Waxtal baissa les paupières et se tut longuement. Il ferma les yeux et entonna un long chant, en langue Morse, suivi de mots et d'expressions en langue Premiers Hommes, puis de nouveau en langue Morse. Les mots s'entremêlaient comme de longues nattes de nerf tordu. Une fois le chant fini, il rouvrit les yeux et déclara :
— Tu dois quitter cette île.
— Je dois quitter cette île ? s'exclama Roc Dur ahuri.
— Toi et tes chasseurs les plus forts. C'est le seul moyen.
— Si je pars, la malédiction abandonnera-t-elle notre peuple ?
— Si tu fais ce qui doit être fait.
— Qu'est-ce qui doit être fait ?
Waxtal baissa la tête et attendit avant de répondre.
— Parfois, les esprits
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