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Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Titel: Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jan Karski
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indiqué. Que penses-tu de mon idée ?
    — Génial, tout à fait génial !
    La première inspection fut un succès remarquable. Je parcourais le domaine, important et condescendant, en jetant des remarques telles que : « Les semences ne valent pas grand-chose cette année. La disposition des rangées me plaît. » De temps à autre, je complimentais des ouvriers isolés et de jeunes paysannes qui travaillaient dans le jardin. Mon succès me montait à la tête et je ne pus résister au plaisir de taquiner Danuta. Lorsque ma tournée fut presque terminée, je m’arrêtai pour féliciter quelques ouvriers de leurs efforts :
    — Parfait, parfait, murmurai-je avec indolence. C’est malheureux qu’il n’y ait point d’homme ici pour diriger vos travaux. On sent l’absence d’une poigne d’homme.
    Je jetai un coup d’œil à Danuta. Elle était rouge de fureur ! J’en avais trop fait.
    Nous regagnâmes la maison heureux du succès de mes « débuts ». Nous allions entrer, quand Danuta me prit le bras et me dit avec un sérieux inattendu :
    — Witold, s’il te plaît, avant de rentrer, j’aimerais te dire quelque chose. Veux-tu venir avec moi jusqu’au banc ?
    Je m’abstins de plaisanter. Nous allâmes jusqu’au banc et nous nous assîmes. Elle regarda attentivement autour de nous pour voir s’il n’y avait pas d’indiscrets. Sûre que personne ne pouvait nous entendre, elle dit :
    — Tu ne t’es pas trompé l’autre jour quand tu as dit m’avoir vue par la fenêtre, la nuit, dans le jardin. J’étais en compagnie d’un membre de la Résistance que tu dois connaître. Nous pensions que tu étais encore trop malade pour agir et que tout travail suivi risquerait de dépasser tes forces. Il viendra ici cette nuit. Je te demande de ne pas te coucher jusqu’à son arrivée, bien que je ne sache pas exactement à quelle heure ce sera.
    Elle se leva du banc. Je restai assis, immobile.
    — Allons cousin, en route, dit-elle en riant. Le souper nous attend. Quant à moi, je mangerais un cheval entier, tellement j’ai faim.
    Avant que j’aie pu la questionner elle avait passé son bras autour du mien et m’entraînait vers la maison.
    Ce soir-là, j’attendis l’arrivée de l’hôte de Danuta avec une certaine impatience et un peu d’anxiété. J’avais été si longtemps mis en sommeil que je me sentais devenir inutile, et que les facultés que j’avais acquises en travaillant pour la Résistance commençaient à se rouiller.
    Le dîner se déroula dans une atmosphère lourde. D’un commun accord, nous renonçâmes, Danuta et moi, à nous taquiner. Après le dessert, prétextant un mal de tête, elle s’esquiva dans sa chambre. Quant à moi, je me livrai à quelques plaisanteries avec ma « tante ». Puis je montai dans ma chambre, disposai un fauteuil devant la fenêtre, et je m’efforçai de lire. La chaleur de la journée, la fatigue de la promenade, la tension dans laquelle je me trouvais, contribuaient à m’engourdir et je ne tardais pas à m’assoupir.
    Un peu après minuit, je sentis une main sur mon épaule, je me réveillai en sursaut : Danuta se tenait derrière mon fauteuil. Elle murmura gentiment :
    — Réveille-toi, Witold. Il nous attend dans le jardin. Viens dans dix minutes, me dit-elle tout bas, et elle sortit.
    Ils avaient, à l’évidence, à parler sans moi. Ayant attendu dix minutes, je descendis l’escalier sur la pointe des pieds et gagnai le jardin. Je scrutai la nuit sans succès. Soudain, j’entendis Danuta parler avec quelqu’un dont la voix m’était familière. C’était un homme, mais je ne le reconnaissais pas. Danuta pleurait. Elle se plaignait. Elle n’avait pas d’argent. Les Allemands prenaient tous les produits de la ferme… Le pire, c’est qu’elle se tourmentait tant à son sujet. J’étais surpris du changement qui s’était opéré en elle. Elle m’avait toujours paru si sûre d’elle, si gaie, si pleine de confiance. La voix de l’homme essayait de la rassurer.
    Je m’approchai et je fus étonné de reconnaître que la voix qui m’intriguait était celle de l’officier de liaison qui m’avait rendu visite à la grange où j’avais séjourné après mon évasion de l’hôpital. Son aspect n’avait pas changé. C’était toujours le même jeune officier svelte et courtois. Il se tourna vers moi, un sourire engageant sur les lèvres :
    — Alors comment vas-tu, Witold ? Danuta s’occupe-t-elle bien de

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