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Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Titel: Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jan Karski
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Warszawa. Dès le matin, deux hommes de la Gestapo vinrent dans la maison et se cachèrent dans la blanchisserie Opus, d’où ils pouvaient observer la porte de l’appartement des Bruehl. Vers minuit, ils sonnèrent à cette porte. L’un des journalistes l’ouvrit et les hommes de la Gestapo firent irruption. Ils ordonnèrent à nos hommes de se tenir face au mur, mains en l’air. L’un des policiers se dirigea vers la pièce où était l’imprimerie. Là, Léon Waclawski, l’écrivain bien connu, et depuis quelques mois rédacteur d’un de nos journaux, sortit de sa manche un revolver et fit feu sur l’Allemand, le tuant sur le coup. L’autre membre de la Gestapo, dans la pièce voisine, tira trois coups sur l’homme qui était face au mur, le tua et se sauva en appelant au secours. Les deux hommes qui restaient et la femme eurent le temps de quitter la maison discrètement. Léon Waclawski a rejoint notre état-major aujourd’hui. Malheureusement, le matériel d’imprimerie de la maison Bruehl est perdu. Hier, la Gestapo a arrêté tous les habitants de la maison de la rue Lvivska. »
    Et voici une autre histoire prise dans le Glos Polski de Warszawa ( La Voix de la Pologne)  : « Le 4 juillet, une villa du quartier de Czerniakow, dans l’élégante rue Okrezna, fut cernée par la Gestapo et les SS armés de mitraillettes. La maison abritait l’une de nos imprimeries qui y avait été transférée de Mokotow parce que les rédacteurs et les imprimeurs paraissaient être filés par la Gestapo. Les Allemands cognèrent à la porte et, n’obtenant pas de réponse, jetèrent des grenades à main par les fenêtres, enfoncèrent les portes et tirèrent quelques rafales de mitraillettes à l’intérieur. Deux de nos jeunes gens furent tués et deux jeunes filles grièvement blessées. Elles moururent toutes deux, peu après, à l’hôpital. Quelques jours plus tard, le propriétaire de la villa, Michal Kruk, sa femme et ses deux fils, âgés respectivement de quinze et dix-sept ans, ainsi que tous les habitants des deux maisons voisines, furent arrêtés et ensuite fusillés. »
    Et l’auteur ajoute pour terminer, sans aucun commentaire : « Cet événement coûta la vie à quatre-vingt-trois Polonais. »
    La distribution de ces journaux était un autre problème. Nous apprîmes beaucoup des expériences de Stanislaw Wojciechowski, le compagnon de Pilsudski, qui l’avait chargé de la diffusion des journaux clandestins sous le régime tsariste et qui fut élu président de la République de Pologne en 1922.
    C’est lui le créateur du « système des trois » pour la vente des journaux clandestins que nous étions les seuls à employer. Chaque homme engagé dans ce travail de distribution ne connaissait qu’« un homme derrière et un homme devant » : celui qui lui délivrait les journaux en un lieu secrètement fixé, et celui qui les lui prenait dans une autre ville. Quand un porteur de journaux était découvert par la Gestapo, comme d’autres l’avaient été autrefois par l’Okhrana tsariste, et soumis à la « question au troisième degré » par les hommes de Himmler, dans les caves de ses tortionnaires, il ne pouvait donner que ces deux noms, rien de plus. Ce système fonctionnait, mais seulement pour la distribution en gros. C’était différent avec les personnes qui distribuaient de la main à la main. Là, toutes sortes de ruses étaient mises en pratique.
    Dans les rues de Warszawa et de Krakow, on vendait les journaux allemands locaux : Krakauer Zeitung, Warschauer Zeitung, ou le Ostdeutscher Beobachter à Poznan, ou bien encore le Völkischer Beobachter d’Hitler dans toutes les villes polonaises. Aucun Polonais n’achetait ces journaux à moins que le jeune vendeur ne lui dise en souriant : « Aujourd’hui, nouvelles extraordinaires sur les victoires allemandes… Achetez-le », et il lui tendait un exemplaire.
    Le passant savait que ce journal valait son prix, car il était bien garni. Entre les pages remplies de dépêches allemandes décrivant les incroyables succès du drapeau à croix gammée, il trouvait son journal clandestin.
    Un boucher, en enveloppant un bifteck, disait à sa cliente : « Mettez-le à la glacière immédiatement dès votre retour, voulez-vous ? » Et elle savait que le journal était à l’intérieur du paquet. Un système moins courant consistait à mettre les journaux directement dans les boîtes aux lettres, à les faire

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