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Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Titel: Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jan Karski
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l’apprendre plus tard, de la majorité des chefs de la Résistance. Cet optimisme ne suffisait pas à faire disparaître ma mélancolie. Je ne voyais partout que chaos, ruines, désespoir et une pauvreté indescriptible. L’arrogance et la terreur allemandes rendaient tout le monde nerveux et déprimé. Après quinze jours de cette existence, je fus bien heureux de voir Dziepaltowski. Il était très gai. Après quelques questions sur ma santé et mes occupations des dernières semaines, il s’assit, allongea les jambes et demanda incidemment s’il y avait quelqu’un dans la pièce voisine. Je répondis négativement. Il me sourit et dit :
    — Sais-tu, Jan, que je t’ai pris au piège ?
    Je lui rendis son sourire, avec un peu de nervosité.
    — Vraiment ? Le piège est assez confortable.
    — Je ne parle pas de l’appartement.
    Il s’avança vers moi, posa la main sur mon bras amicalement, confidentiellement.
    — Jan, je vais te parler sérieusement, parce que tu es un homme d’honneur ; un homme courageux et un bon Polonais. Tu fais maintenant partie de la Résistance. Je t’y ai amené et tu as accepté nos papiers et notre assistance. L’organisation essaie pourtant de jouer franc jeu et tu peux encore choisir : soit lui offrir tes services dévoués, soit retourner à la vie civile. Il faut que je te dise aussi que si tu nous dénonçais ou nous trahissais de quelque façon, tu serais descendu. Ai-je été clair ?
    En l’écoutant, j’exultai intérieurement. Enfin, je trouvais ce que j’avais attendu : une tâche, une occupation qui me tirerait du vide morbide où je vivais. J’avais envie de l’embrasser, mais pour ne pas paraître trop exalté, tel un jeune scout romantique, je répondis avec un calme que j’étais loin de ressentir :
    — Je pensais bien qu’il devait y avoir quelque part une organisation clandestine. Je sais qu’il en existait une pendant l’autre guerre. Mais je n’espérais pas la rencontrer si vite ni y être admis si facilement. Tu sais que je me suis évadé de chez les Russes et les Allemands avec une seule idée : rejoindre l’armée, me battre.
    — Eh bien ! tu y es, dans l’armée xxxiii  !
    — Bien ! tu me connais, je ferai tout ce que je pourrai.
    — D’ici peu, tu auras l’occasion de faire quelque chose.
    Nous causâmes de choses et d’autres puis il partit. Deux jours plus tard, il passa de nouveau chez moi mais ne resta qu’une minute.
    — Ce sera difficile de me trouver chez moi ces jours-ci, viens me voir chez ma cousine. J’y serai la plupart du temps. J’espère que tu ne seras pas jaloux de l’aspect de ma nouvelle maison.
    Il parlait gaiement et la dernière remarque était manifestement une plaisanterie. Il me donna l’adresse de sa « nouvelle et magnifique maison » et me quitta.
    Je me rendis à cette adresse dès le lendemain. C’était dans le centre de Warszawa, non loin du consulat des États-Unis, entre les rues Moniuszko, Swietokrzyska et Jasna. Avant la guerre, c’était le quartier des grandes firmes, des librairies, des magasins de luxe et des bons restaurants. L’immeuble avait été naguère une maison moderne à trois étages, luxueuse et bien équipée. Ce n’était plus qu’un amas de pierres, de bois, de meubles démolis. Des pans de murs étaient demeurés debout, formant entre eux des angles bizarres. Un assez grand fragment du mur de derrière et un tiers du porche témoignaient de sa magnificence passée. Le numéro de la maison avait été inscrit sur un petit poteau qui avait miraculeusement survécu.
    Autant que je pouvais en juger, une bombe était tombée en plein sur le toit et avait pénétré profondément avant d’exploser, si bien que tout avait été réduit en miettes sauf les caves et les fondations.
    De plus, une immense cheminée en assez bon état s’appuyait contre le mur du fond. Les habitants actuels qui vivaient dans les caves y avaient écrit leur nom à la craie. Il y en avait quinze. Les caractères en étaient légèrement effacés et il me fallut les regarder attentivement pour trouver le nom que je cherchais. Sous la liste se trouvait une flèche indiquant la nouvelle entrée. J’arrivai devant une porte noircie. Je l’ouvris et me trouvai au sommet d’un escalier démoli le long duquel je descendis à tâtons. Je ne voyais aucune entrée.
    — Y a-t-il quelqu’un ici ? criai-je, assez inquiet.
    Une porte grinça presque sous mes pieds et

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