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Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Titel: Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jan Karski
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restait beaucoup d’autres, et leur nombre alla croissant tout au long de l’année 1940.
    Pendant les mois suivants, je me rendis compte de la situation curieuse, tragique et paradoxale où se trouvait la Pologne. À beaucoup d’égards, il était bien préférable d’être membre de l’organisation clandestine qu’employé de l’administration civile, ce qui imposait d’être totalement loyal ou au moins « neutre » envers les autorités d’occupation. Un membre de la Résistance, à part le risque d’être pris, avec tout ce que cela entraînait, jouissait d’avantages inaccessibles au reste de la population.
    Avant tout, celui qui appartenait à la Résistance bénéficiait de la protection de son organisation, laquelle disposait de tout l’appareil habituellement efficace de la clandestinité. Il possédait des faux papiers d’une excellente facture, indispensables pour se déplacer et échapper aux arrestations lors des rafles. Normalement, il recevait un pécule pour ses besoins matériels, avait un certain nombre d’adresses où il pouvait trouver refuge et connaissait des maisons où on lui donnerait toujours un repas, un lit, ou une cachette pendant les descentes de la Gestapo.
    De plus, il avait la conscience tranquille de celui qui sert une cause légitime. Il avait la dignité de celui qui est resté indépendant et fidèle à ses principes, tandis que le collaborateur était considéré avec un universel mépris.
    Personne ne soutient celui qui se soumet. Il n’a de sécurité ni dans son travail, ni dans sa vie privée, ni dans ses mouvements. Il est constamment à la merci du terrorisme allemand et exposé à ce que les Allemands appellent la « responsabilité collective » – un des aspects les plus terribles et les plus inhumains de cette guerre ! Selon cette théorie, une communauté entière est tenue pour responsable des actes individuels, et doit être châtiée si les auteurs des « crimes » ne peuvent être pris. Il arrivait fréquemment en Pologne que les membres de la Résistance qui avaient fait dérailler des trains, sauter des entrepôts, incendié des wagons et commis maints actes de sabotage, s’en tiraient sains et saufs. La population locale devenait alors la victime des représailles et exécutions collectives.
    En décembre 1939, par exemple, deux Allemands furent tués dans le hall d’un certain café de Warszawa. Ils étaient en possession d’un grand nombre d’informations sur la Résistance qu’ils tenaient de divers espions. La sentence fut exécutée sur l’ordre des chefs de la Résistance. Ceux qui l’exécutèrent ne furent pas pris. Les Allemands arrêtèrent et fusillèrent deux cents Polonais qui n’avaient rien à voir avec l’incident, mais habitaient tout simplement à proximité de ce café. Deux cents personnes innocentes furent fusillées pour ce seul fait xxxv . Mais abandonner notre activité eût été permettre aux Allemands d’atteindre complètement leurs objectifs.
    Par cette tactique diabolique, les Allemands comptaient contraindre la Résistance à renoncer à son action armée. Si nous avions cédé à cette horrible pression, ils auraient remporté une victoire. Malgré tant d’innocentes victimes, malgré la souffrance et le malheur de leurs familles, nous ne nous sommes pas laissé effrayer. Il n’était pas question qu’ils se sentent en sécurité en Pologne.
    En juin 1940, les Allemands organisèrent une chasse à l’homme dans les rues de Warszawa et s’emparèrent d’environ vingt mille personnes xxxvi . Elles furent conduites dans trois immenses centres de police où on les fouilla, les interrogea et vérifia leurs papiers. Tous les hommes de moins de quarante ans furent déportés en Allemagne dans des camps de travail forcé, le plus souvent dans des usines d’armement. Toutes les jeunes filles de dix-sept à vingt-cinq ans furent embarquées pour la Prusse-Orientale, afin de servir de filles de ferme. Tous ceux dont les papiers n’étaient pas parfaitement en règle, ceux qui en avaient de faux ou ne pouvaient pas fournir de références convaincantes quant à leurs ancêtres, leur travail, leurs sympathies politiques, ou qui ne pouvaient pas se disculper d’accusations portées contre eux, furent envoyés dans des camps de concentration. Plus de quatre mille hommes et cinq cents femmes furent envoyés au camp de concentration d’Oswiecim xxxvii , hors de portée de tout secours.
    J’ai appris

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