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Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Titel: Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jan Karski
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chances. Nous serons informés du lieu et de l’heure de votre arrestation et nous ferons ce que nous pourrons pour vous. Même dans ce cas, il vous faudra être patient. Si vous êtes arrêté par la police soviétique, il vous sera beaucoup plus facile de vous en sortir. Dites que vous fuyez les Allemands et que vous préférez vivre sous la loi soviétique. Il paraît que ça marche très bien.
    — Je ne crois pas qu’on puisse préparer plus soigneusement les choses, remarquai-je ; toutes les éventualités semblent avoir été prévues.
    — En ce moment, il m’est impossible de tout prévoir, répondit-il en secouant la tête. Nous faisons ce que nous pouvons. Il nous faut tous croire à la chance, dans une certaine mesure.
    Nous prîmes congé l’un de l’autre avec une cordiale poignée de main.
    Les prévisions de Borzçcki se réalisèrent presque point par point. Mon voyage à Lviv se passa sans incident. Six mois plus tard, la Résistance était organisée exactement comme il l’avait indiqué. La seule chose qu’il n’avait pas prévue était son propre sort.
    À la fin de février 1940, Borzçcki fut pris par la Gestapo. Il n’eut pas le temps d’avaler son poison. Il fut traîné de prison en prison et subit les plus atroces tortures. Il fut battu pendant des jours et des jours. Presque tous ses os furent successivement et scientifiquement brisés. Son dos n’était plus qu’une masse sanglante tant il avait reçu de coups de barres de fer. Il ne dénonça personne, ne trahit aucun secret. Ils le fusillèrent.
    Les journaux nazis annoncèrent plus tard qu’un aventurier polonais avait été condamné à mort par une cour martiale pour sa déloyauté envers le Reich allemand…

Chapitre IX Lviv
    Pour la première fois depuis mon évasion de Radom, j’avais l’impression de faire quelque chose qui en valait la peine. Je mémorisai soigneusement le certificat de la manufacture et m’entraînai à être prêt à répondre à n’importe quelle question.
    Le train arriva à destination sans la moindre perquisition. Ni les papiers, ni ma préparation psychologique ne me servirent. À la gare, je louai une carriole de paysan et me fis conduire à une douzaine de kilomètres de là, au petit village situé près de la frontière germano-soviétique l . À l’orée du village je repérai la chaumière blanchie à la chaux avec sa grange coiffée d’un nid de cigogne où je devais rencontrer le guide chargé de faire passer les Juifs de l’autre côté de la frontière. Je frappai à la porte.
    D’abord, je ne reçus pas de réponse et je me sentis légèrement inquiet. Je fis le tour de la maison et j’écoutai à la fenêtre. Toujours le silence. Enfin, j’entendis le ronflement d’une personne qui dormait profondément. Rassuré, je retournai à la porte et frappai très fort. Un grand jeune homme au visage rougeaud apparut, les vêtements en désordre, et se frottant les yeux.
    — J’étais sans doute endormi, dit-il en guise d’excuse. Qui êtes-vous ?
    Je m’expliquai. Il avait été prévenu de mon arrivée et accepta de me faire passer la frontière avec un groupe de Juifs qui seraient là dans trois jours. Il avait réussi des douzaines d’expéditions semblables et se montrait fort calme pour un homme qui s’engageait dans une entreprise aussi hasardeuse. Pendant que je parlais, il revêtit une veste épaisse et, me prenant par le bras, me conduisit dehors.
    — Venez, dit-il, il n’y a pas de temps à perdre. Il vous faut trouver un logis dans le village. Je dois vous montrer le point de rendez-vous.
    Il avançait à longues enjambées, s’arrêtant de temps à autre pour s’étirer et bâiller. Il y avait environ trois kilomètres et demi jusqu’au lieu du rendez-vous. Il faisait peu attention à moi. Pour le faire parler, je lui demandai pourquoi il avait tant sommeil. Il me répondit avec assez de bonne grâce qu’il avait conduit un groupe la nuit précédente, et qu’aujourd’hui son repos avait été plusieurs fois interrompu par des membres du prochain groupe qui désiraient connaître le lieu du rendez-vous.
    Enfin nous traversâmes un ruisseau et arrivâmes dans une clairière, près d’un moulin.
    — C’est là, fit-il avec lassitude, comme s’il avait répété la même chose un nombre incalculable de fois. Il faut que vous soyez ici dans trois jours, à six heures tapantes. Nous n’attendons personne.
    — Je serai à l’heure,

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