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Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Titel: Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jan Karski
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toutes les conditions. Toutes sortes d’humeurs. Les uns ravis comme vous, les autres gémissant de fatigue et geignant. Quelques-uns simplement indifférents et pressés d’en avoir fini. J’ai toujours aimé ces montagnes et le ski me plaît toujours. Mais, pour le moment, j’en ai assez.
    Nous abandonnâmes l’espoir d’améliorer son humeur et échangeâmes entre nous nos impressions.
    À la frontière hongroise, notre groupe se divisa. Puzyna et le lieutenant se rendaient en France par un autre chemin que moi, et le guide retournait à Zakopane. Puzyna réussit à gagner la France, puis l’Angleterre, où il réalisa son plus cher désir : s’engager dans la RAF . Il descendit beaucoup d’avions et bombarda des villes allemandes. À la fin de l’année 1942, je lus son nom sur une liste de disparus lv .
    Le long de la frontière entre la Slovaquie et la Hongrie, la résistance polonaise avait établi un certain nombre de « points » de ralliement pour faciliter l’exode des jeunes Polonais. Apparemment, les Hongrois ne s’y opposaient pas. Mes deux jeunes amis se rendirent à l’un de ces points pour y attendre leur tour d’être convoyés en France. Quant à moi, je gagnai Kosice où je trouvai un agent du gouvernement polonais qui me servit un copieux repas, me donna des effets civils, et me conduisit en auto à Budapest. Pendant le voyage je découvris que je souffrais d’un certain nombre de maux dont je n’avais pas eu, jusqu’alors, le loisir de me rendre compte. Ma gorge était si enflammée que je dus m’arrêter de fumer, et je me mis à éternuer et à tousser violemment. Mes mains étaient gercées et saignaient en plusieurs endroits ; mes pieds surtout me faisaient très mal. J’enlevai mes souliers et mes chaussettes pour les examiner : j’avais les chevilles et les pieds enflés, horriblement enflés, et douloureux au moindre contact.
    Mon compagnon suivait mon exploration avec intérêt et quelque amusement. Quand j’eus fini de me tâter et de gémir, il me dit d’un ton sec :
    — Le ski est un beau sport.
    — Je n’avais rien ressenti jusqu’à présent, dis-je d’un air lugubre.
    — C’est toujours ainsi, répliqua-t-il, mais ne vous inquiétez pas. Ce n’est pas cher payé pour une aussi agréable exclusion. D’ailleurs, il y a d’excellents hôpitaux à Budapest et vous y serez bien soigné.
    — Vraiment ? N’est-ce pas risqué ?
    — Non. Nous sommes bien organisés à Budapest ; on vous donnera tous les papiers nécessaires et vous pourrez aller et venir tout à fait librement.
    Nous arrivâmes à Budapest après huit heures de route. La nuit tombait. À ma surprise, les rues étaient brillamment éclairées et contrastaient étrangement avec celles de Warszawa. Nous nous arrêtâmes devant la maison de celui qui était en Hongrie le principal intermédiaire entre le gouvernement polonais en France et la Résistance à Warszawa. Il habitait un quartier tranquille et, heureusement, il n’y avait personne dehors. Il me fut impossible de remettre mes souliers et je montai le perron clopin-clopant, en les tenant à la main. Mon compagnon me présenta et partit. Mon allure n’avait rien d’héroïque et c’est plutôt en « brave soldat Chveik » que je me présentai.
    Le « directeur », comme on l’appelait, me fit apporter un baume et des pansements, me posa quelques questions, puis me conduisit à ma chambre en m’assurant que je serais dans un hôpital le lendemain et qu’ensuite j’aurais tout le temps de visiter Budapest. Mon refroidissement me tint éveillé une partie de la nuit et je me levai tard. Mes pieds et mes chevilles avaient un peu désenflé mais je ne pus enfiler mes souliers qu’au prix de grandes douleurs. Après un petit déjeuner substantiel, le « directeur » m’appela et me remit divers documents ; l’un d’eux établissait que j’étais à Budapest depuis le début de la guerre et que je me faisais soigner dans un hôpital ; une carte d’identité indiquait que j’étais enregistré en tant que réfugié polonais lvi .
    Il me précisa que je recevrais sous peu mon passeport pour la France et un billet de chemin de fer. En attendant, j’allai à l’hôpital, d’où je ressortis trois jours plus tard, guéri de mon rhume et les extrémités à peu près normales.
    Je restai à Budapest quatre autres jours, me promenant tantôt seul, tantôt avec deux assistants du « directeur ». Budapest a

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