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Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Titel: Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jan Karski
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mère, c’est que je trouve du temps pour tout.
    Les résultats de son « travail social » n’étaient pas toujours excellents. En 1938, au cours de troubles étudiants, il fut battu par ses ennemis politiques et dut passer plusieurs semaines à l’hôpital. En Europe, malheureusement, les discussions politiques ne se règlent pas toujours par des méthodes démocratiques.
    Tout en marchant vers sa maison, je me remémorais maintes scènes de notre camaraderie à l’armée, et je me demandais si nous pourrions renouer notre amitié. J’avais l’espoir de le persuader de m’accompagner en France.
    Quand j’arrivai chez lui, je frappai comme si je revenais de l’université et, en passant, entrais voir mon ami.
    Une personne âgée, que je ne connaissais pas, vint m’ouvrir.
    — Puis-je voir Jerzy ? demandai-je.
    — Il n’est pas là, répondit-elle, il est allé passer quelques semaines chez sa tante.
    — Puis-je voir ses parents ?
    — Non, ils ne sont plus ici.
    — Où sont-ils ?
    — Je ne sais pas.
    Je ne posai plus de questions. C’était clair. Les parents de Jerzy avaient été déportés en Russie.
    — Je m’appelle Jan Karski, dis-je. Puis-je revenir dans quinze jours voir Jerzy ?
    — J’ai entendu Jerzy parler de vous, dit-elle avec un sourire contraint ; je suis une autre tante de Jerzy. Si vous voulez revenir, revenez, je vous en prie. Toutefois, en ce moment, il n’est pas toujours prudent d’attendre ceux qui sont partis passer quinze jours chez leur tante.
    Il n’y avait pas à s’y tromper. Ou Jerzy se cachait, ou il était à l’étranger.
    Trois mois plus tard, en Hongrie, j’appris qu’il s’était évadé pour rejoindre la France à la tête d’un groupe de dix jeunes gens. Ils avaient emporté une quantité extraordinaire d’armes, de revolvers, de grenades à main et de mitrailleuses démontées. Ils avaient réussi par miracle à franchir les Carpates, à traverser la frontière hongroise, et à se présenter finalement, parfaitement équipés, à l’attaché militaire polonais. Ils étaient arrivés en Hongrie comme une véritable petite unité. Leur exploit fit sensation.
    Plus tard, nos chemins se sont croisés plusieurs fois, tandis qu’il continuait la dangereuse route des courriers clandestins, exécutant des missions spéciales et traversant deux fois, dans les deux sens, tous les fronts d’Europe en l’espace d’un an. Lorsque enfin je pus le revoir à London, je le trouvai calmé et assombri par ses expériences, mais toujours sûr de l’avenir et avide de justice sociale, de liberté et d’ordre.
    Je rencontrai le professeur dans le parc, près du bâtiment le plus petit et le plus vieux de l’université (l’autre était un palais construit au XVIII e siècle, pendant l’occupation autrichienne).
    Le professeur m’accueillit avec cordialité : il s’était décidé à reconnaître sa position. Nous nous assîmes sur un banc. Je commençai à lui expliquer les plans et les désirs des autorités polonaises de Warszawa. Il approuva immédiatement la plupart des idées, anticipant même certains détails. Il était prêt à coopérer à la réalisation du système d’organisation que m’avait exposé Borzçcki ; il y avait même songé. Il y avait pourtant dans son attitude une certaine réticence que je ne m’expliquais pas. Au lieu de m’exposer ses hésitations, il se mit à me questionner sur la vie à Warszawa, la puissance de notre organisation et les méthodes qu’elle employait.
    Il écoutait attentivement et ne m’interrompait que pour me demander des détails dont il avait probablement besoin pour compléter un travail en cours. À la fin, il me dit :
    — Il y a une chose qu’il faut que vous compreniez et que vous disiez à Warszawa. Les conditions sont très différentes ici. D’abord, la Gestapo et le Guépéou sont des organisations qui n’ont aucune ressemblance. Les hommes de la police secrète soviétique sont beaucoup plus habiles et mieux entraînés. Leurs méthodes sont supérieures. Ils sont plus scientifiques et systématiques. La plupart des ruses qui réussissent à Warszawa ne donneraient rien de bon à Lviv. Très souvent, les divers groupes de la Résistance ne peuvent même pas entrer en contact, à cause de la difficulté à dépister les agents du Guépéou, et même à les reconnaître liii .
    — Je ne m’étais pas rendu compte des difficultés que vous rencontriez ici.
    — Nous

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