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Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Titel: Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jan Karski
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lieu à l’atmosphère magique. Il n’y avait pas une seule table de libre, il me fut très difficile d’y trouver une place. On y conversait avec animation en se délectant de café, alcools, bières. Même en plein hiver sa terrasse était bondée, des groupes s’agglutinaient auprès des fameux braseros qui rougeoyaient gaiement.
    Je passai le reste de l’après-midi à faire des achats, puis je m’offris un luxueux dîner et flânai un peu sur les boulevards avant de retourner à mon hôtel avec une brassée de journaux français. Ils ne m’apprirent rien de nouveau et je m’endormis bientôt.
    Le lendemain matin, je mis mon costume neuf et pris le train pour Angers. Le gouvernement français avait désigné cette ville comme siège du gouvernement polonais. Les ambassadeurs étrangèrs et les ministres polonais y résidaient officiellement. Nous avions obtenu de la France le droit d’exterritorialité et le cabinet polonais jouissait des privilèges de la pleine souveraineté d’un État. Ainsi les ambassades étrangères auprès de la Pologne résidaient officiellement à Angers.
    En arrivant je n’eus aucun mal à trouver le siège du gouvernement. Un Français d’un certain âge m’a indiqué mon chemin en ajoutant que la ville était fière d’accueillir les autorités de cette « malheureuse Pologne traîtreusement attaquée ». Au ministère de l’Intérieur, je fus reçu par le secrétaire de Kot.
    Celui-ci fut poli et réservé. Il m’informa que Kot préférerait me rencontrer ailleurs qu’à son bureau. Il examina mes papiers et me fixa un rendez-vous pour déjeuner avec Kot dans un restaurant voisin. Quand j’y arrivai, Kot était déjà là.
    C’était un petit homme aux cheveux gris, précis dans ses habitudes et ses mouvements, avec une légère tendance à la pédanterie. Nous nous présentâmes et, lorsque nous fûmes assis, Kot me fit la remarque que j’avais plutôt l’air d’un banquier parisien sortant d’un banquet que d’un émissaire de la Pologne affamée.
    Je lui déclarai qu’il courait bon nombre de clichés erronés sur la façon dont on vivait en Pologne occupée.
    Kot fixait sur moi un regard pénétrant :
    — En dépit de tous vos mots de passe et de vos papiers, c’est mon devoir d’être prudent. Je dois m’assurer par moi-même que vous êtes bien l’homme que j’attends. Parlez-moi de vous, de ce que vous faisiez avant la guerre, de ce que vous faites maintenant. Parlez-moi des gens avec qui vous travaillez.
    Nous nous lançâmes dans une longue discussion, concernant en particulier les membres de la Résistance que je connaissais. De cette façon, Kot satisfaisait à la fois sa curiosité à mon endroit, et sa curiosité à l’égard des hommes en général. Sa façon de questionner et ses commentaires révélaient un homme intelligent, bien informé et pénétrant. C’était un de ses traits distinctifs que d’analyser les événements et les situations, non pas tant d’après les problèmes qu’ils offraient que d’après le caractère des gens qui y étaient mêlés.
    Quand nous en vînmes à discuter en détail de la Résistance, il me dit qu’il serait préférable que je fasse un rapport écrit afin que ses archives soient complètes. Il m’enverrait à Paris un secrétaire et une machine à écrire.
    — Ne mentionnez dans votre rapport aucun nom de personne ni d’organisation politique ; vous les dicterez à mon secrétaire, qui les transcrira selon un code.
    Je passai les six jours suivants à Paris, à faire ce rapport lx . Quand j’eus fini, je téléphonai de nouveau au secrétaire de Sikorski pour lui demander un rendez-vous. Il me pria de passer le voir à l’ambassade et m’informa que je serais reçu par le général Sikorski.
    J’y allai, fort excité. Sikorski jouissait d’une grande réputation en Pologne. Il était ce que les Polonais appellent un « Européen », un homme de vaste culture. Il était connu pour ses opinions libérales et démocrates – un très bon général qui, était demeuré dans une opposition conséquente à Pilsudski. Après la défaite de septembre, la Pologne, avait mis tous ses espoirs en lui.
    Dans l’antichambre du bureau de Sikorski, je fus stupéfait de rencontrer Jerzy Jur, mon ami de Lviv. Nous nous saluâmes avec joie. Il me conta le détail de son héroïque évasion à travers les Carpates, mais nous fûmes très embarrassés pour continuer la conversation quand nous

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