Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Titel: Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jan Karski
Vom Netzwerk:
cette tâche était assignée. Et ce n’était pas un mince service, car ce havresac rempli de papier-monnaie polonais pesait plus de vingt kilos. Joint à mon équipement, cela constituait un fardeau considérable. Je gagnai Kosice en voiture, là je rencontrai le même guide qui me fit passer les montagnes. Le voyage fut sans histoires, sinon que la neige fondant, les skis étant devenus inutiles. J’ai donc marché, chargé comme une mule, heureux de rentrer.

Chapitre XI L’État clandestin (I)
    Fin avril 1940, je revenais en Pologne porteur d’instructions capitales du gouvernement de la République à la Résistance. Elles recommandaient l’union de toutes les organisations clandestines dans les structures de l’État clandestin. Après m’être arrêté quelques jours à l’un des relais clandestins proche de la frontière, je parvins à Krakow où je pris contact avec le représentant de la Résistance. J’appris alors que les bases de l’unification de l’ensemble des mouvements de résistance avaient déjà été posées, mais qu’il s’écoulerait encore beaucoup d’eau dans la Wista avant d’y parvenir.
    À Krakow, je fus initié au fonctionnement de la résistance locale et je me rendis compte pour la première fois du niveau élevé qu’avait atteint l’organisation, de la complexité de l’appareil et des méthodes instaurées pour éviter d’être découvert. On ne m’a jamais laissé seul un moment. Je m’aperçus bientôt que mes supérieurs étaient au courant de tous mes gestes, de toutes mes paroles et même de mes menus. Chaque fois que je rentrais chez moi, je devais trouver devant ma porte quelqu’un avec qui j’échangeais un mot de passe. Et si personne ne m’attendait, je devais immédiatement m’éloigner et surtout ne pas entrer.
    Un jour, il était entendu qu’à 9 h 45 je devais rencontrer devant ma porte une femme âgée, aux cheveux gris, portant un parapluie bleu et un panier de pommes de terre. Ce matin-là, le désir me prit d’aller à la messe, qui finissait à 9 h 30. À mon retour, je trouvai cette femme attendant devant ma porte et partis avec elle au rendez-vous prévu. Le lendemain soir, un agent de liaison vint m’avertir que j’avais un blâme de la Résistance, qui m’accusait de découcher et d’être en relation avec des gens inconnus de l’organisation. Il s’est avéré que cette douce vieille aux cheveux gris avait rapporté qu’au lieu de sortir de chez moi, j’y revenais : elle avait constaté que je venais de la rue au lieu de sortir de l’appartement.
    La certitude que j’étais constamment espionné me portait sur les nerfs. J’en demandai la raison aux autorités. On me répondit qu’on n’était pas encore sûr de ma prudence. D’autre part, au cas où j’aurais des ennuis avec la Gestapo ou si j’étais arrêté, il fallait qu’on le sache immédiatement pour prendre les mesures nécessaires. C’est ainsi que l’on traitait un émissaire rentré avec des instructions de grande importance, même s’il avait une haute opinion de lui-même.
    La vie à Krakow avait beaucoup changé pendant les quatre mois et demi de mon absence. Mes premiers entretiens me permirent de comprendre que la consolidation de la Résistance était pratiquement achevée. Le mouvement s’était cristallisé en deux branches principales ; premièrement la coalition des quatre plus grands partis politiques : le Parti paysan, le Parti socialiste, le Parti chrétien du travail et le Parti national-démocrate ; deuxièmement l’Organisation militaire clandestine, considérée comme partie intégrante de nos forces armées en Occident.
    La coalition s’efforçait maintenant de créer aussi une troisième structure qui faisait défaut : la Délégation du gouvernement en Pologne occupée, dont la fonction consisterait à organiser l’ensemble de la vie civile : administration, justice, économie, secours, etc. Inévitablement, des questions personnelles apparurent, et le plus important fut de parvenir à un accord sur un candidat concret à la fonction de délégué général pour l’ensemble du pays.
    Les instructions que j’avais apportées étaient en principe très claires à ce sujet. Le gouvernement à Angers acceptait tout candidat qui ferait l’unanimité des partis. Sikorski et son équipe ne s’intéressaient ni à la personnalité ni à l’appartenance politique des candidats. Il voulait des personnes possédant une

Weitere Kostenlose Bücher