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Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Titel: Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jan Karski
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réelle autorité et jouissant de la confiance de la population polonaise. Il s’était seulement permis de suggérer le nom de M. Borzçcki lxiv .
    L’une des premières choses que j’appris à mon retour en Pologne fut l’arrestation de Borzçcki. Lui et beaucoup d’autres avaient payé de leur vie les succès obtenus jusqu’ici dans l’organisation de l’État clandestin polonais.
    Le chef du Parti chrétien du travail, Téka, avait, lui aussi, été fusillé lxv . Il avait été l’un des plus actifs et des plus efficaces dans le rapprochement et le dialogue entre les partis.
    À Krakow, on accueillait avec euphorie le déclenchement des combats entre la France et l’Allemagne dont on augurait la défaite rapide de Hitler. On ne voulut guère écouter mes arguments, concordant avec ce que m’avaient dit Sikorski, Kot et Sosnkowski.
    J’habitais à Krakow chez Jozef Cyna lxvi , une de mes connaissances d’avant guerre. C’était un militant connu du Parti socialiste et un journaliste de talent. Dès l’âge de vingt-cinq ans, il étonnait par son autorité, son éloquence, la maturité de ses jugements. Il était, de plus, modéré et réaliste dans sa conduite. Il avait un don rare et fort précieux pour l’activité clandestine : il n’attirait jamais l’attention sur lui ni sur ce qu’il faisait. Tous ses voyages, toutes ses conversations avaient l’air d’un passe-temps ou d’une occupation sociale sans importance. De tous les leaders connus de la Résistance que j’ai rencontrés, il était le seul qui semblait se rendre compte que la confiance totale dans la force de la France était une erreur fatale lxvii .
    — Les Allemands, me dit-il, avancent rapidement, occupant la France. Les choses auraient pris une tournure plus favorable si les Alliés avaient déclenché l’offensive. Le simple fait que les Allemands aient pris l’offensive prouve qu’ils en ont les moyens. Le fait que les Alliés ne les aient pas devancés par terre, par mer ou par air, prouve qu’ils ne sont pas en mesure de le faire. Dans une guerre, celui qui attaque a toujours l’avantage, au point de vue stratégique comme au point de vue tactique.
    Je passai trois jours chez lui. Il habitait dans les faubourgs de Krakow, sous un nom d’emprunt, et il travaillait dans l’une des rares coopératives encore épargnées par les Allemands. Il était enregistré comme habitant au deuxième étage mais vivait en réalité au rez-de-chaussée, dans l’appartement de son agent de liaison.
    — Si les Allemands venaient m’arrêter, m’expliqua-t-il, ils me chercheraient au deuxième étage. Naturellement, ils ne m’y trouveraient pas, mais moi je saurais qu’ils sont là. Je me glisserais dehors par cette « porte ». Et il souleva deux lames du parquet de la cuisine. C’était l’entrée de la cave.
    — Vois-tu, il y a un couloir souterrain qui passe sous trois maisons et débouche au coin de l’autre rue. Je pense que cela me donne une bonne chance de me sauver, ajouta-t-il avec un sourire de satisfaction.
    Quand je le quittai, il me dit comme incidemment :
    — À propos, tu pourrais emporter cela et le distribuer dans le train ou à Warszawa. Lis-le d’abord. C’est notre manifeste socialiste à l’occasion du 1 er Mai.
    — Que dois-je en faire ? demandai-je en prenant le paquet qu’il me tendait.
    — Distribue ces tracts. Il ne suffit pas de parler ; il faut aller vers les gens pour diffuser des idées.
    Le titre était « Manifeste de la liberté, pour le 1 er Mai 1940 ». C’était un résumé éloquent de la position du PPS clandestin, et une analyse de la situation en Pologne occupée :
    «  Polonais, nous faisons appel à vous – ouvriers, paysans et intellectuels, dans une heure de grande détresse. Nous élevons notre voix en ces jours de notre esclavage. C’est la même voix que celle que vous avez déjà entendue de Warynski, Montwill, Okrzeja, car c’est la voix du socialisme polonais. Au temps de l’indépendance de la Pologne, cette voix s’est élevée maintes et maintes fois pour condamner la politique des dirigeants despotiques de la Pologne. C’est la voix des ouvriers de Warszawa et de Gdynia qui se sont rassemblés pour combattre l’envahisseur. Nous faisons appel à vous afin que vous vous souveniez du jour de l’indépendance et du socialisme. Le 1 er Mai approche. Sur les deux rives du Bug, ce sera fête officielle. Vous savez que ce jour ne doit pas

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