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Monestarium

Monestarium

Titel: Monestarium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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dont
Malembert soupçonnait qu’elle recelait un mystère bien plus trouble que
présenté. Il espérait être à même de protéger son seigneur. Il userait de tous
les moyens afin d’y parvenir, s’il en venait à cela.
    — Une affaire rondement menée,
donc, résuma Aimery de Mortagne. Eh bien, allons découvrir cet…
« entassement », ainsi que tu l’as baptisé. Il faudra ensuite le
faire parvenir en grand secret à Béranger de Normilly, lequel doit le remettre
en main propre à Guillaume de Beaujeu, grand maître de l’ordre du Temple*. Tu
sembles bien sombre, mon ami, remarqua alors le comte.
    — C’est que, monseigneur, cette
cascade d’intermédiaires me surprend et m’inquiète. Qui se trouve à son
amont ?
    — Je l’ignore, mais partage ta
méfiance. Nicolas IV*, notre souverain pontife, en est-il la source ? Je
doute que Guillaume de Beaujeu ait agi pour lui-même. Or, le grand maître du
Temple ne rend compte qu’au pape. Bah… Acquittons-nous au mieux de notre tâche.
L’avenir dira si nous nous sommes fait mener.
     
    L’Orient chrétien disparaîtrait un
an plus tard, dans une marée de sang, de feu, de hurlements, dans une fureur de
combats. Les trente mille âmes abritées par la citadelle de Saint-Jean-d’Acre,
hommes, femmes, enfants, périraient en quelques jours ou seraient vendus sur
les marchés aux esclaves. Guillaume de Beaujeu ne se remettrait pas de ses
blessures. Nul ne le pressentait encore.
     

Douze ans plus tard.
Nord de l’Espagne et sud de la France, mai 1302
    Alexia de Nilanay était remontée vers
le nord, se faufilant à la nuit dans des granges, dans des bergeries,
chapardant un peu de nourriture. Elle avait évité les lieux publics, les
auberges et les étuves de femmes. À deux reprises, elle aurait juré avoir
reconnu au loin ses deux poursuivants.
    Une incessante question la
hantait : pourquoi avait-elle été contrainte de se transformer en bête
traquée ? Peut-être Alfonso s’était-il trompé ? Après tout, ces deux
hommes la pourchassaient-ils vraiment ?
    L’argent qu’elle avait amassé, du
moins celui qu’elle n’avait pas dilapidé en robes, en parfums et en futiles
mais charmants colifichets, lui avait permis de rentrer en France. Tout le
temps de son périple, le plus souvent pédestre, parfois en chariot, dissimulant
ses cheveux sous un bonnet de manante [20] ,
baissant les yeux, elle s’était convaincue qu’une fois en royaume de France ce
terrorisant mystère s’évanouirait. Elle revivrait, et peut-être oublierait-elle
la terreur de ces dernières semaines.
    Ce jour-là, elle parvint à Auch en
fin de matinée. Il lui sembla que l’air était plus vivifiant, plus accueillant.
Elle sourit de la cohue des rues et se passa les bras et le visage à l’eau
d’une fontaine. Elle resta là quelques minutes, détaillant les passants, les
gamins en loques qui jouaient, les commères qui cancanaient, les charretiers
qui rugissaient afin qu’on leur libère passage. La vie était là. Elle l’avait
presque oubliée.
    La faim la tenaillait. Elle récupéra
la maigre bourse au fond de sa bougette [21] et s’enfonça dans
les ruelles, sautant par instants afin d’éviter les immondices qui encombraient
les rigoles centrales. Elle s’arrêta devant une vieille femme installée à même
les pavés qui proposait des en-cas alignés sur une grande touaille [22] .
Alexia choisit une part de gâteau d’épices et de miel et un peu de fromage de
brebis. Le regard de la vieille se fixa sur un point situé derrière elle.
Soudain, un bras sans aménité encercla la taille de la jeune fille, la plaquant
contre un torse dur. Une voix menaçante murmura à son oreille :
    — Tu nous suis, la belle, sans
protester.
    Alexia hurla, rua, tentant de
griffer l’homme aux yeux. Il lui plaqua une main violente sur la gorge, la
faisant hoqueter. La vieille ramassa ses marchandises et décampa sans demander
son reste. Un silence s’abattit dans la ruelle. Des volets claquèrent, un
verrou de porte fut repoussé. La terreur envahit la jeune fille. Nul ne lui
porterait secours. Au bout de la venelle, à cinq toises* de là, quelques
marches menaient à une église. Elle aperçut d’abord son ombre coulant comme une
nappe sur la pierre. L’ombre du deuxième homme. Il apparut, un large sourire
aux lèvres, et complimenta d’un petit mouvement de tête joyeux son compère.
Alexia de Nilanay vit sa main remonter et frôler d’un geste

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