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Monestarium

Monestarium

Titel: Monestarium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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Mélisende comme un vrai sourire lui venait.
    — Je vous en sais gré. Allez en
paix, ma fille.
    Un indéfinissable malaise persista
en elle bien après le départ de la grande prieure de La Madeleine. Mélisende de
Balencourt se leurrait-elle de bonne foi sur l’aisance avec laquelle ses
moniales accepteraient leur future cohabitation avec la maladie ? Son
attitude presque désinvolte cachait-elle autre chose ? Une angoisse
imprécise étreignit l’abbesse. Dans sa démesure purificatrice, la grande femme
décharnée aurait-elle imaginé de soumettre toutes les sœurs de La Madeleine au
risque de contagion afin de sauver leurs âmes ? Un frisson la parcourut.
La vie selon elle était un don dont nul être ne disposait. Quant à tenter de
mimer les souffrances du Sauveur afin de s’en rapprocher, elle y voyait une
sorte d’arrogance, bien humaine.
    Il lui fallait en avoir le cœur net.
Ne pourrait-elle charger quelqu’une d’une discrète enquête ? Quelqu’une
que nulle ne soupçonnerait de double jeu. Certainement pas une des sœurs du
chapitre.
     

Une semaine plus tard.
Maladrerie de Chartagne, Perche, octobre 1306
    Jaco, dit le Ribleur [59] , remonta ses
braies [60] à la hâte. Il jeta à la fille assise sur le bord de la longue table de
réfectoire :
    — Hâte-toi, laideronne !
Si on nous trouve, moi le cul à l’air et toi les cuisses écartées, on devra
encore se goinfrer de sermons jusqu’à plus faim, sans compter les corvées
punitives.
    La fille lui jeta un regard vide.
Sans même rajuster sa robe relevée sur ses hanches, elle tendit la main.
    — Donne.
    Jaco s’exécuta à contrecœur. C’était
une belle part de fromage qu’il avait chapardée à la nuit dans les cuisines.
Une belle part de fromage en échange d’un bien médiocre soulagement des sens.
D’un autre côté, il y avait peu de ladres de sexe opposé dans leur groupe
maudit. Mieux valait être trop généreux que se retrouver dernier sur la liste
de la fille. Certains d’entre les gars les bousculaient un peu, omettant de
leur demander leur consentement avant de les trousser – après tout, qui s’en
souciait –, mais le Ribleur n’était pas téméraire. Ce n’était pas tant les
réactions des ribaudes renversées sans cérémonie qu’il craignait que la colère
d’un de ses compagnons de misère peu désireux de laisser sa part de femme aux
chiens.
    Il adressa un muet pardon à sa
tendre Pauline de ce nouvel adultère. Rien de plus qu’un éphémère frottement de
peau durant lequel ils oubliaient tous qu’ils allaient mourir.
    La lèpre. Jaco l’avait contractée de
son ancien maître, revenu quinze ans plus tôt de Terre sainte, défait et
malade. Tant que le vieillard avait vécu, Jaco avait eu la paix. À sa mort,
survenue six mois auparavant, Charles d’Ecluzole, grand bailli du comte Aimery
de Mortagne, avait fait mander deux mires à fin d’expertise. Le diagnostic
était tombé, la sentence aussi : la mort civile. La douce Pauline s’était,
de fait, trouvée veuve. Qu’importait qu’elle ne présentât aucun des symptômes
de la maladie. Elle pouvait, selon eux, la couver. Nul ne voulait plus leur
donner du travail, tous refusaient qu’ils approchent à moins de cinq toises*
leurs masures ou leurs fermes. La faim et la peur s’étaient ajoutées à la
misère et au mal qui rongeait Jaco. Pauline avait volé, peu de chose, juste de
quoi les nourrir. Un pain, des œufs, du lard, une vieille volaille qui ne
courait pas assez vite pour lui échapper. Un soir, les hommes du grand bailli
avaient ouvert la porte de leur cahute à coups de bottes. Ils avaient pointé
leurs lances sur Jaco et tiré une Pauline épouvantée dehors. Il n’avait jamais
revu sa douce mie aux cheveux de soie. Elle avait été emprisonnée, sans plus de
formalités. Jaco s’était rongé les sangs à en devenir fou. Certes, ils étaient
moins brutaux avec les femmes, aussi ne l’amputeraient-ils sans doute pas d’une
main, comme ils l’eussent fait avec un chapardeur. Elle serait dénudée,
flagellée en public et promenée entravée par les rues, offerte aux injures, aux
obscénités, aux jets de crachats. Au fond, Jaco avait plus souffert du mal qui
risquait d’échoir à son épousée que de ses membres du bas qui renâclaient
parfois à lui obéir. Une semaine plus tard, ils étaient venus l’arrêter afin de
le mener en la maladrerie de Chartagne, pertuisanes [61] brandies, plus
pour se protéger de

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