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Monestarium

Monestarium

Titel: Monestarium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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des miches de pain, des
fromages, tout ce qu’il put y entasser. Dans quelques jours, il porterait
l’estocade en descendant ses braies et en urinant sur le reste. Les braises
qu’il attisait s’embraseraient.
    Il passa le lourd ballot en
bandoulière et, s’aidant de ses bras, escalada avec peine le mur d’enceinte. La
peur le tenaillait. Les articulations de ses chevilles lui désobéissaient.
Cette acrobatie, aisée quelques années plus tôt, exigeait maintenant de lui des
efforts qui lui tiraient une grimace. Enfin il parvint au faîte de la muraille
et sauta de l’autre côté. Plié, il courut aussi vite, aussi silencieusement que
possible. Il dépassa le dépotoir et balança le contenu de son ballot dans le
putel [76] .
Il regarda les pains s’enfoncer avec lenteur dans la vase malodorante.
    Lorsqu’il s’allongea à nouveau parmi
ses compagnons, il grelottait de sueur, de froid, de peur. Demain au lever, il
commenterait avec rancœur la raréfaction de la nourriture. Comme hier et
avant-hier, il distillerait son venin. On avait décidé de les laisser crever de
faim, loin du regard de tous, bouclés dans ce qui n’était qu’un abattoir. Ainsi
s’expliquait leur transfert aux Clairets. La rage de Célestin, dit l’Ours, et
de ses vassaux montait. Elle exploserait sous peu. Le plus ardu consisterait à
la contenir afin de ne pas déplaire au comte de Mortagne.
    — Vis, mon aimée. Vis pour moi.
     

Perche, fin octobre 1306
    Petit Jean le Ferron mit son cheval
au pas. La haridelle [77] de louage donnait des signes de faiblesse. Une écume blanchâtre maculait son
col. En dépit de sa hâte, il avait intérêt à la ménager s’il voulait arriver et
gagner la bourse promise. Un sourire lui vint. Tudieu, que de choses on pouvait
faire avec cinquante livres ! S’offrir des vêtements de bourgeois, des
filles, à boire dans les tavernes les plus accueillantes, être respecté en
dépit de sa trogne qui déplaisait tant. Il fallait si peu, au fond, pour les
gagner. Tuer une donzelle, la belle affaire. Il en existait tant qu’une de plus
ou de moins ne changerait pas la face du monde. La seule appréhension qui
l’avait troublé se résumait à quelques lettres : Dieu. Comment Dieu
verrait-il le fait qu’il s’introduise dans l’un de Ses couvents de femmes afin
de Lui renvoyer d’expéditive manière l’une de Ses épouses ? Petit Jean
avait longuement soupesé ce problème. Quelques arguments, imparables selon lui,
l’avaient soulagé : il avait reçu ses ordres d’un proche de Dieu, dont on
pouvait espérer qu’il savait bien mieux qu’un exécuteur des basses œuvres ce
qu’il convenait de faire. De surcroît, Dieu était loin et si occupé qu’une
peccadille de cet ordre ne retiendrait que bien peu Son attention. D’autant que
s’Il ne souhaitait pas que cette fille meure, un signe surviendrait et elle
vivrait. Peut-être Lui rendait-il service en Le déchargeant de la besogne de
rappeler une créature à Lui. Et puis, autant l’avouer : Petit Jean avait
déjà tellement tué, quand tuer était un ordre et une gloire. Alors, un être de
plus ou de moins…
    Il traversa Saint-Agnan-sur-Erre, un
sourire aux lèvres. Il n’était plus qu’à quelques lieues* de sa destination,
mais la nuit était encore lointaine. Un peu de repos, un bon souper ne lui
feraient pas de mal. Il avisa l’enseigne d’une auberge peu reluisante dont le
nom lui plut : Le Chien qui pisse , se demandant comment on avait
dénommé le tenancier [78] ,
maître Pisseur ou le seigneur Cabot [79]  ?
Il héla un galopin avachi contre les marches qui descendaient vers
l’établissement.
    — Es-tu de la maison ?
    Le gamin, qui ne devait pas avoir
dix ans, cracha un jet de salive avant de répondre d’un ton rogue :
    — Pour mon plus grand malheur.
Pourquoi ?
    Se sentant généreux puisqu’il allait
sous peu connaître les aisances de l’argent, Petit Jean le Ferron lui lança
deux deniers d’argent en exigeant :
    — Mène cette rosse à l’écurie
et fais-lui donner du foin et un peu d’avoine ainsi que de l’eau. Ne la
rationne pas afin de gratter quelques fretins de plus ou la peau des fesses
t’en cuira longtemps.
    — Elle est déjà tant tannée par
les coups de cette vieille bourrique de maître Mâtin que vous ne lui ferez pas
grand mal.
    Un sourire échappa à Petit Jean. Ce
n’était pas tant l’insolence du vaurien crasseux qui le distrayait que l’habile
manière dont

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