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Monestarium

Monestarium

Titel: Monestarium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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de le rendre
moins âpre. Il s’y employait. Allons, il ne pouvait demeurer là trop longtemps.
Il devrait ensuite rejoindre l’abbaye pour son rendez-vous avec une grande
prieure afin de lui délivrer le message dont il était porteur. Un message du
commanditaire de Petit Jean, monseigneur Jean de Valézan, qui veillait avec un
soin jaloux sur les intérêts de sa bien-aimée sœur, sans oublier les siens
propres.
    Il enroula les rênes de son cheval
autour d’une branche basse et avança à pas prudents vers la masure. Un
monticule de grosses bûches entassées non loin arrêta son regard. Il hésita.
Petit Jean n’avait pas véritablement conçu de plan. Tuer est une ingrate
besogne dont il convient de se débarrasser en y songeant le moins possible. Il
n’aimait pas tuer, mais qu’aurait-il pu vendre hormis sa force et ses
mains ? Il ramassa la plus grosse des bûches et força d’un coup d’épaule
la porte bancale construite de planches mal assemblées.
    Nicol le Jeune ronflait à faire
trembler les murs, avachi les bras en croix sur sa couche. La gourde en peau
gisait non loin de lui, vide. Un mauvais feu achevait de se consumer dans
l’âtre en cuvette, creusé à même le sol en terre battue. Petit Jean s’approcha
de la couche à la frôler. La description qu’on lui avait faite du chasseur
n’était pas menteuse. L’homme, un titan, avait à peu près la même taille et la
même carrure que lui. Quant à sa hure, elle était si ravagée d’ivrognerie qu’on
aurait pu les croire de la même parentèle.
    Une sorte de regret, un peu vague,
retint son geste quelques secondes. Au fond, la très prochaine mort de cet
homme lui importait bien moins que la lancinante question qui lui trottait dans
la tête depuis des années. Pourquoi ? Pourquoi cette vie de tueries quand
il eût été plus simple de ne pas naître.
    Il inspira, banda ses muscles. Le
coup partit avec la puissance du tonnerre. Nicol le Jeune n’ouvrit même pas les
yeux. Du sang dévala le long de sa tempe, de ses mâchoires. Il était mort. Une
belle mort, se félicita Petit Jean, une mort dont la mansuétude allégeait un
peu son fugace regret.
     

Abbaye de femmes des Clairets,
Perche, début novembre 1306
    À l’est de l’abbaye, lui avait
indiqué son commanditaire. Petit Jean le Ferron avait dû faire le tour de
l’enceinte avant de repérer la porterie dite des Lavoirs, où devait se tenir
son rendez-vous. Il s’agissait d’une petite porte, verrouillée en permanence,
donc sans portière laïque chargée de la surveiller. Elle ne servait guère
qu’aux allées et venues des serviteurs. La nuit était pleine. Un froid de gueux
le perçait jusqu’aux os. Il avala quelques gorgées d’eau-de-vie à la gourde et
patienta. Un bruit de lourdes clefs, un frémissement d’étoffe. Deux formes
spectrales se tenaient devant lui. Robes blanches, voiles, et manteaux dont la
grande capuche rabattue couvrait les visages. Une voix s’éleva dans le silence,
impérieuse, habituée au commandement :
    — Votre nom ?
    — Petit Jean, madame, envoyé
par votre frère, monseigneur de Valézan.
    — Qu’il soit béni.
    — Il l’est, répondit le Ferron.
    Après tout il était grassement payé,
et un mensonge de plus ou de moins…
    — Quand pensez-vous… remplir
votre office ?
    — Au plus tôt. Vous devrez
ensuite m’écrire ce message, que seul votre bien-aimé frère peut comprendre,
afin qu’il me règle ma peine ainsi qu’il s’y est engagé.
    — Le chasseur ?
    — Il est mort. Je puis prendre
sa place.
    — Et vous rapprocher d’elle,
bien. (Un soupir de ravissement souleva la poitrine de la femme. Elle ordonna
d’un ton sans appel :) Elle doit mourir, vite. Elle est une menace permanente.
    — Elle mourra, et j’ai tout
intérêt à ne pas traîner ici.
    — Voilà qui nous plaît fort,
murmura l’autre femme avant d’être interrompue par un geste péremptoire de sa
compagne.
    Dans le cimetière situé à moins de
dix toises de là, Aude de Crémont, sœur boursière, accroupie, se rencognait
derrière le monument d’un caveau. Elle avait beau tendre l’oreille, rien de
cette étrange et illégitime conversation ne lui parvenait. Quelle savoureuse
coïncidence ! Les choses les plus distrayantes surviennent lorsqu’on s’y
attend le moins. Une simple migraine de femme, et ne voilà-t-il pas qu’elle
surprenait Hucdeline de Valézan, dont la démarche impérieuse l’aurait trahie
par grand

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