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Monestarium

Monestarium

Titel: Monestarium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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ni l’une ni l’autre n’avait
entendu approcher. L’Ours dévisagea le titan et éructa :
    — T’es des nôtres ! Un
renard chasse jamais avec les chiens, parce qu’il sait qu’il se fera mettre en
pièces au moment de la cuirée [100] .
    — Je suis de personne et je
chasse seul. Recule avant que je te navre [101] . Ça me ferait ni
chaud ni froid. Un ladre de plus ou de moins, c’est pas ce qui alourdira ma
dette.
    Un ruban de robes blanches déboucha
de derrière le logement de la grande prieure, précédé par les serviteurs laïcs
que Bernadine avait réveillés à la hâte, armés de faux, de fourches,
d’herminettes [102] et de bâtons.
    Il sembla à Plaisance que l’Ours hésitait
une fraction de seconde. Il recula, sans la quitter du regard. Puis il
rejoignit à grandes enjambées le groupe des lépreux.
    Petit Jean lança :
    — Rentrez dans votre clos avant
qu’on vous y force comme des animaux que vous êtes.
    D’un geste de bras, il rameuta
derrière lui les serviteurs laïcs afin d’escorter d’une haie de picois [103] ,
de serpes et de houes le groupe d’insurgés qui avançait d’un pas traînant vers
le cloître de La Madeleine.
    Des tremblements convulsifs
agitèrent Plaisance, qui vacilla.
    — J’ai cru notre dernière heure
arrivée, avoua-t-elle dans un murmure.
    — Dieu tout-puissant, merci.
J’ai eu si peur, ma mère.
    Plaisance se tourna vers sa fille
apothicaire.
    — Vous avez pourtant été brave,
Hermione. Je n’ose imaginer ce qu’il serait advenu de moi sans votre aide.
Merci, ma chère.
    — Pour une fois, je n’ai pas
réfléchi avant de m’élancer, confia la jeune femme avec un pauvre sourire.
    — Que diriez-vous d’un gobelet
d’hypocras pour nous remettre ?
    — Je dis, ma mère, qu’il serait
fort bienvenu. Notre sauveur… Est-ce bien le nouveau chasseur ?
    — Si fait. Nous lui devons la
vie. Je l’en remercierai dès demain… ou plutôt tout à l’heure.
    — Des brutes, de véritables
brutes…
    — Non, Hermione, des
malheureux. De pauvres malheureux. Je ne comprends rien à ce que m’a raconté
cet homme, cet Ours. Comment se fait-il que leur pitance ait été si
insuffisante ? C’est la faim qui les a poussés à la révolte, ou du moins
qui a grandement contribué à leur fureur. Un scélérat en cuisines pille-t-il
les panières qui leur sont destinées afin de revendre la nourriture hors nos
murs ? J’en aurai le cœur net, et si tel est le cas, je sévirai. (Elle
passa une main tremblante sur son front et proposa :) Allons, Hermione,
nous avons bien mérité notre hypocras. Je gage que notre grande prieure ne
tardera pas à sauter sur cette aubaine pour me nuire un peu plus. Je la vois
déjà, rappelant d’un ton douloureux aux unes et aux autres ses prédictions
calamiteuses.
    Hermione ne répondit pas, et
Plaisance se demanda si ses efforts de tout à l’heure avaient épuisé pour un
temps sa mince réserve de mots ou si, au fond, elle n’en venait pas à juger,
elle aussi, que l’installation des lépreux était une lourde bévue. Au
demeurant, Plaisance n’aurait pu lui en faire reproche après cette éprouvante
altercation.
     
    Elle était encore très en dessous de
la vérité. Dans les jours qui suivirent, Hucdeline de Valézan, flanquée de son
ombre indissociable, Aliénor de Ludain, la sous-prieure, arpenta les couloirs,
les dortoirs et le réfectoire, sans oublier les étuves, les cuisines et la
bibliothèque afin d’évaluer l’humeur des unes et des autres. Alternant entre
compassion et indignation, instillant des doutes, évoquant de probables et
catastrophiques répétitions de la révolte qui, affirmaient-elles, « avait
failli coûter la vie à notre mère et notre chère sœur Hermione », elles
parvinrent à semer les germes de la terreur chez la plupart.
    Lorsque Élise de Menoult, la sœur
chambrière et l’une des plus fidèles alliées de Plaisance, alarma celle-ci sur
le venin que distillaient les deux femmes, la jeune abbesse en resta d’abord
coite. Plaisance de Champlois s’était attendue à un affrontement ouvert avec sa
grande prieure, pas à un sournois travail de sape.
    — Elles m’ont entreprise hier,
avec finesse, dois-je préciser. Leur suavité n’avait d’égale que leur ténacité.
À les entendre, elles se sont fort inquiétées rétrospectivement de votre bonne
santé, ce qui motive leur grande angoisse. Selon elles, ces gueux de ladres
ourdissent en ce

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