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Monestarium

Monestarium

Titel: Monestarium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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moment même une deuxième rébellion qui, celle-là, devrait
transformer l’abbaye en bain de sang. Sont-elles folles, ma mère ?
    — Que nenni, elles sont
redoutables, au contraire. Il n’est de terreau plus propice que la peur pour
fomenter une révolution de palais. Si je me révèle inapte à garantir la
sécurité de mes filles, pis, si ces deux manigancières parviennent à faire
accroire que je la brade, le chapitre me destituera. Hucdeline aura alors la
voie libre.
    — Elle ne pourra – pas plus que
vous – s’opposer au roi et à notre souverain pontife s’ils exigent que les
Clairets accueillent des scrofuleux.
    — Elle peut prétendre qu’elle
s’y emploiera de toutes ses forces et insinuer qu’elle obtiendra le soutien de
son frère, l’archevêque Jean de Valézan. Il est devenu l’une des éminences
grises du Vatican.
    — Il court des rumeurs à son
sujet, répliqua Élise.
    — Certes, et pas des
meilleures. Sa… piété ne serait pas seule à l’origine de son ascension
fulgurante. (Plaisance baissa la tête et avoua dans un murmure :) Je me
sens désarmée, Élise. Peut-être Hucdeline a-t-elle raison, peut-être ne suis-je
pas à la hauteur de ma charge, trop jeune, trop…
    — Sornettes que tout
ceci ! trancha l’autre. Hucdeline brasse beaucoup de vent. Toutefois, je
suis certaine de son manque d’épaisseur quand je jurerais de la vôtre. L’abbaye
vient d’être secouée par une crise grave. Vous trouverez l’aide dont nous avons
besoin, ma mère. Quant à moi, je poursuis mon… disons ravaudage, aidée en cela
par Hermione, qui n’a jamais tant discuté.
    — Votre ravaudage ?
    — Certes. Je passe de l’une à
l’autre, dès après Hucdeline, et je découds tous les doutes qu’elle a savamment
brodés dans leurs esprits. Mon dernier rafistolage avait nom Barbe Masurier.
    — Barbe a-t-elle des reproches
à me faire ?
    — Non pas. Les deux comparses,
Hucdeline et Aliénor, l’ont retournée en insistant sur les dangers qui pesaient
sur vous. Vous connaissez Barbe. Son affection pour vous a fait le reste.
     

Abbaye de femmes des Clairets,
Perche, décembre 1306
    Marie-Gillette d’Andremont serra les
lèvres de rage. En dépit de ses continuels efforts, le deuxième rouleau
demeurait introuvable. Et maintenant, cela !
    Imaginer les sévices qu’elle
pourrait infliger en vengeance à Adélaïde Baudet ne l’apaisait plus. Pourtant,
elle avait bien aimé ressasser ses inventions. Quelques-unes lui plaisaient
particulièrement. Elle se voyait, propulsant avec violence la sœur cherche dans
la grande cuve à lisier et l’y laisser se noyer dans un bouillonnement
malodorant, ou bien tirer sur son passage, de toute sa hargne, les pieux qui maintenaient
les stères de bûches empilées non loin des fours et la regarder se faire
écraser par l’avalanche. Bourrique ! Une véritable bourrique acharnée. Il
ne se passait pas de semaine sans qu’Adélaïde ne lui trouve une autre corvée.
La lecture lui ayant sans doute paru trop douce, elle lui réservait maintenant
les besognes les plus rudes ou les plus ingrates. Marie-Gillette s’était ainsi
retrouvée semainière au curetage des cuves à purin, au nettoyage des
poulaillers, au décendrage des fours, à l’approvisionnement du cloître de La
Madeleine dont on avait renforcé à la hâte les barricades. Les dégâts, somme
toute limités, qu’avait occasionnés le récent soulèvement des scrofuleux
avaient tant marqué l’esprit des moniales que l’abbesse avait ordonné que la supplette
chargée de conduire la charrette acheminant les panières depuis les cuisines
soit accompagnée de deux serviteurs laïcs.
    La jeune femme frissonna
rétrospectivement. Ces visages ravagés par le mal terrorisaient encore plus
maintenant qu’à leur arrivée. Presque toutes se demandaient si le fléau ne
risquait pas de se répandre aux bien portantes et si un autre soulèvement,
encore plus brutal, ne se préparait pas. Certaines suggéraient que l’on ferait
bien mieux de les écarter en les repoussant au plus loin de la forêt des
Clairets. Il n’y avait plus guère que Mélisende de Balencourt pour affirmer que
l’arrivée des lépreux parmi elles était une preuve que Dieu les avait
distinguées comme Ses agnelles préférées. Marie-Gillette, quant à elle, se
serait volontiers passée de leur proximité. Certes, il fallait bien que
quelqu’un se chargeât d’eux, mais si on avait pu la dispenser

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