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Monestarium

Monestarium

Titel: Monestarium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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pour ne pas la citer… Bref, elle aurait retrouvé
une cliquette non loin du cadavre de cette pauvre chère Angélique… Et ladite
cliquette a disparu. De surcroît, je doute fort qu’elle soit jamais présentée
au grand bailli.
    — Dieu du ciel ! souffla
la boursière. Comment cela, elle a disparu ?
    Hucdeline lança un regard complice à
Aliénor, sa comparse, qui faisait merveille dans cette dernière partie, ainsi
que le lui avaient prouvé les nombreuses répétitions de leur petite
conversation.
    — Eh bien, voyez-vous, ma
chère… Enfin, je ne crois pas cette fois être dans l’erreur… Quoi qu’il en
soit, Marie-Gillette a informé notre chère mère de l’existence de la cliquette…
Toutefois, il a été jugé préférable de la taire afin de ne pas incriminer les
ladres. C’est fort charitable et donc peu surprenant de la part de notre mère,
cela étant…
    — Cela étant, si l’un d’entre
eux est l’horrible tortionnaire de la petite Angélique, il doit payer pour son
crime, acheva Aude, consciente que c’était exactement ce que souhaitaient
entendre les deux autres.
    — C’est aussi notre profond
sentiment, approuva Hucdeline, qui réprimait à grand-peine un soupir de
satisfaction.
    Jugeant que le jeu avait assez duré,
Aude de Crémont pinça les lèvres en articulant avec peine :
    — Je suis bouleversée par cette
révélation… Doux Jésus… Je vais me retirer, mes sœurs. Encore merci de votre
franchise. Je sais combien elle a dû vous peser.
    Elle disparut par le passage qui
longeait les celliers et débouchait non loin des terrasses de l’abbesse.
    Aude de Crémont jeta un regard
derrière elle afin de s’assurer que les deux comparses ne l’avaient pas suivie.
Elles étaient allées beaucoup plus loin qu’elle ne l’avait supposé d’après les
confidences de quelques sœurs déjà approchées. Elles accusaient ni plus ni
moins Plaisance de Champlois de trahison et de complicité de meurtre. La
boursière ne s’était jamais senti d’affection ni de fidélité particulière à l’égard
de la nouvelle abbesse. En revanche, elle avait éprouvé une vive estime pour
madame de Normilly, estime mâtinée d’un regret : Catherine de Normilly se
méfiait d’elle. Aussi n’avaient-elles jamais été proches. Bah, après tout, à
quoi servaient les regrets sur le passé, sinon à s’endommager l’avenir ?
Elle réprima un petit rire : encore une phrase de son cher père.
Étrange : Gauzelin de Crémont avait été le plus impeccable menteur, le
plus fieffé calculateur qu’elle eût jamais rencontré. Pourtant, il ne lui avait
jamais dissimulé la vérité. Pourtant, il ne l’avait jamais déçue ou ennuyée,
contrairement à la plupart des autres êtres qu’elle avait côtoyés. C’est que
monsieur de Crémont était menteur d’honneur. Il ne se fût, pour rien au monde,
abaissé à de mesquines tromperies. Aude voulait ressembler à cet homme qui lui
avait joué le pire tour qu’un père parfait et tant aimé puisse jouer à son
enfante adorée : être le seul époux qu’elle se serait choisi. Son trépas
lui avait causé un interminable chagrin dont elle ne se remettait pas. Dont
elle ne souhaitait pas se remettre. Lorsqu’elle avait enfin admis l’idée
qu’elle ne le reverrait plus, ne rirait plus de ses élégantes pirouettes
d’esprit, elle avait pris le voile.
    Qu’aurait pensé son père d’Hucdeline
de Valézan ? Une jolie peste, virulente comme un chancre. Une ennemie
d’intérêt dont la seule faille était de ne pas être aussi intelligente qu’elle
le pensait. Que faire ? S’écarter de l’affrontement qui se préparait entre
le clan restreint des alliées de l’abbesse et celui – qui grossissait à vue
d’œil – de ses détractrices ? La prudence le conseillait. Cela étant, une
guerre feutrée avec la grande prieure risquait de se révéler goûteuse. Les
distractions de qualité n’étaient pas si fréquentes aux Clairets. Aude de
Crémont opta donc pour la deuxième possibilité.
    À qui allait-elle faire savoir – et
comment – qu’elle avait aperçu, dès que le chat avait montré son derrière [129] ,
Hucdeline et Aliénor en conciliabule avec leur nouveau chasseur, avant même la
prise de besogne officielle de ce dernier ? Les deux femmes n’avaient
aucune raison de le connaître et encore moins de l’aborder. De surcroît, la
grande prieure n’aurait pour rien au monde condescendu à s’adresser

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