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Monestarium

Monestarium

Titel: Monestarium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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à de la
valetaille. À moins d’un besoin précis.
     
    — Nous venons d’en déciller une
nouvelle ! s’exclama Hucdeline en refermant derrière elle la porte de son
bureau.
    — Pour son plus grand bien,
opina Aliénor.
    — Je ne vous remercierai jamais
assez de votre soutien sans faille, ma chère. Il me fut plus qu’un secours
lorsque toutes me tournaient le dos. Je ne l’oublierai jamais, soyez-en
assurée, promit la grande prieure avec une mauvaise foi digne d’éloges.
    De fait, cette pauvre Aliénor la
fatiguait. Une vraie béni-oui-oui. Terne comme une loche grise avec ça !
Le succès était à portée, la grande prieure le sentait. Lorsque le chapitre
aurait destitué Plaisance, lorsqu’elle serait enfin élue à la fonction qui lui
revenait, elle devrait trouver une nouvelle grande prieure qui porte ses
couleurs avec éclat. Or « éclat » et « Aliénor » étaient
antithétiques. Quel ennui. Il lui faudrait procéder avec doigté pour écarter sa
suiveuse sans la froisser, ni la chagriner. Aliénor savait tant de choses, et
en avait deviné d’autres. Il eût été très risqué de provoquer sa colère et
encore plus sa revanche. D’autant que leur collaboration, pour ne pas dire leur
promiscuité contrainte, avait tissé entre les deux femmes des liens de
dépendance dont Hucdeline admettait qu’ils étaient réciproques bien que
dissemblables. Décidément, peiner la jeune femme se révélerait une désastreuse
stratégie.
    Hucdeline se leva afin de vérifier
si leurs gobelets de tisane avaient été déposés sur la crédence appuyée contre
le mur extérieur de son bureau. Elle referma la porte, l’air dépité.
    Le rose de la reconnaissance était
monté aux joues d’Aliénor. Hucdeline l’avait sauvée de l’anonymat et de la
terreur constante d’être la risée des autres. Approuver en tout la grande
prieure qu’elle voulait croire son amie, c’était ne jamais risquer la moindre humiliation.
Hucdeline faisait peur et sa prestance, pour ne pas dire son arrogance,
dissuadait les offenses. L’affection que lui portait son frère, monseigneur
Jean de Valézan, aussi.
    — J’ai fait ce que me dictaient
ma confiance et mon estime pour vous. Rien de plus, se contenta-t-elle de
répondre.
    — C’est tant, ma bien chère.
Que fait donc la supplette chargée d’infusions ? pesta Hucdeline. None* ne
tardera plus. Faut-il aller quérir sa décoction de mauve et de verveine en
cuisines ?
    Aliénor se leva comme un ressort et
entrouvrit la porte du bureau. Sur la crédence qui la jouxtait étaient posés
deux gobelets fumants et une petite palette [130] de bois à
cuilleron chargé de pâtes de fruits.
    La jeune femme posa le plateau sur
le bureau de la grande prieure, s’étonnant :
    — Des pâtes de fruits ? Ah
ça, mais c’est une entorse à la règle !
    — En voilà une qui cherche à se
faire bien voir, conclut Hucdeline. Je vous le dis : en vérité, le succès
est proche et toutes le sentent, ma bonne. Humm, des pâtes de prunes au miel…
Mes préférées. Allons, ne boudons pas ce petit écart. Nous avons bien
travaillé.
    Elle se saisit d’une pâte de fruits
et la porta à sa bouche, invitant d’un petit geste Aliénor à l’imiter.
    Un coup péremptoire frappé à la
porte les fit sursauter. La sous-prieure jeta un regard affolé au cuilleron de
douceurs illicites. Hucdeline lui indiqua d’un mouvement de menton le long
coffre recouvert de toile marouflée dans lequel elle rangeait au soir ses
livres et ses registres. Aliénor se rua vers le meuble afin d’y dissimuler la
preuve de leur délit, et Hucdeline clama :
    — Une seconde ! Je vous
ouvre.
    Bernadine attendait sur le pas de la
porte, l’air grave.
    — Notre mère vous fait quérir.
Elle requiert votre présence et votre clef.
    Il était de coutume que le sceau de
l’abbesse fût protégé dans un coffre dont la serrure ne jouait qu’à l’aide de
trois clefs. L’une revenait à l’abbesse, la deuxième à la grande prieure, quant
à la dernière, elle était sous la garde de la doyenne ou de la cellérière. Les
gardiennes des clefs ne devaient sous aucun prétexte s’en séparer.
    Hucdeline réprima un soupir
d’exaspération et emboîta le pas à la secrétaire en lançant à Aliénor :
    — Poursuivez, ma chère !
Je vous rejoins bientôt.
    Aliénor se leva dès après leur
départ et courut sur la pointe des pieds jusqu’à la porte. Elle colla son
oreille contre

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