Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Monestarium

Monestarium

Titel: Monestarium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
Vom Netzwerk:
porterie comme à celle d’un
hospicium ou d’une maison de charité. Plaisance savait : certains
monastères jetaient leurs détritus de nourriture par-dessus leur mur
d’enceinte. Ils les lançaient aux miséreux comme à des bêtes. Les affamés se
battaient au pied de la muraille pour arracher quelques bouchées, la plupart du
temps gâtées. Dans d’autres, les serviteurs de cuisine ou les celliers les
vendaient ou les troquaient, contre quelques fretins, ou les charmes d’une
gamine, avec l’approbation tacite des frères officiers.
    Elle avait vu ces enfants de serfs,
ou de paysans libres, s’approcher au soir des huis des porteries. La faim les
poussait à braver leur crainte. Elle avait vu leurs petits visages gris, déjà
vieillis. Ils ne vociféraient pas, ils ne menaçaient pas. Ils attendaient. Ils
espéraient. L’hiver était si rude, et faisait suite à une série de calamiteuses
moissons. Elle avait donné ordre que soient divisés tous les jours trente gros
pains du pauvre, contre le sentiment d’Hucdeline de Valézan qui jugeait cette
bienfaisance propre à encourager les plus dépourvus à la fainéantise. Idiote,
sombre et méchante idiote ! Leur nouveau chasseur, ce Petit Jean dont le
surnom prêtait à sourire, tant il était massif et haut de taille, aidait chaque
soir à la distribution, sans qu’elle l’ait ordonné. Brave cœur. Un effarouché
sous ses allures balourdes et inquiétantes. À chaque fois qu’elle le croisait,
il la saluait bas de loin, et passait son chemin bien vite comme s’il redoutait
qu’elle lui adresse la parole.
    Pourquoi Petit Jean le Ferron
avait-il rencontré à la nuit Hucdeline et Aliénor ? Partageaient-ils un
funeste commerce ? Pourtant, il lui avait sauvé la vie lors de la révolte
des ladres. Pourtant, il l’assistait du mieux qu’il pouvait. En dépit de ses
quinze ans, Plaisance de Champlois connaissait l’âme humaine, ou plus
exactement savait la flairer. Lui était venue par instants une crainte un peu
floue au sujet du chasseur : requerrait-il d’elle, un jour, une
faveur ? Serait-ce la raison de l’aide qu’il lui apportait depuis son
arrivée ? Si tel était le cas, en concevrait-elle quelque déception ?
Oui et non. Oui, parce que l’élévation d’une âme humaine rapprochait l’abbesse
de Dieu plus sûrement que de longues prières. Elle voyait Sa trace tenace dans
la lumière qui irradiait de certains êtres. Il lui semblait alors qu’une
parcelle du Sauveur y brillait. Non, parce que justement, les créatures
humaines s’éteignent souvent. Madame Catherine affirmait que plutôt que de
s’affliger du compte de ces brillances perdues, mieux valait se réjouir de
celles qui persistaient, envers et contre tout. Qui était Petit Jean ? Une
de ces chandelles mouchées ? La trompait-il afin de mieux lui nuire ?
     
    La nouvelle que lui avait
discrètement portée le confident du comte de Mortagne, ce grand homme émacié au
regard presque blanc, l’avait tant soulagé que Jaco le Simple s’était laissé
glisser dans une sorte de bien-être peu compatible avec leur situation. Pauline
était libre et placée sous la protection directe du seigneur de Mortagne. Rien
de fâcheux ne lui arriverait plus jamais. À moins que… À moins qu’elle n’ait
contracté la ladrerie au contact de son époux, et Jaco ne voulait pas, ne pouvait
pas y songer. Non, Dieu épargnerait sa mie dans Son infinie bonté. Cette
vilaine fouine d’Éloi avait-il perçu le changement d’attitude de Jaco, en
avait-il profité pour manœuvrer Célestin l’Ours, l’inquiéter peut-être ?
Toujours était-il que le bouffon improvisé avait senti le changement d’attitude
de cette brute épaisse de Célestin.
    — Mon noble maître, je vous
sens préoccupé, susurra Jaco le Ribleur, assis en tailleur aux pieds de l’Ours.
    Il le sentait surtout fuyant. L’Ours
lui cachait-il quelque chose ? Jaco l’avait surpris en conciliabule avec
cet Éloi de malheur. Lorsqu’il s’était approché d’eux, les deux autres avaient
fait silence et le regard de biais que lui avait jeté le seigneur des ladres
n’augurait rien de bon. Éloi revenait-il en cour ? Jaco se serait battu.
Car à bien y réfléchir, il était responsable de l’éloignement de ce lourdaud
d’Ours.
    — Ça va, j’te dis ! Tu
m’échauffes la bile avec tes questions, le Simple.
    — Mille pardons, valeureux
guerrier. C’est que votre règne est ma constante

Weitere Kostenlose Bücher