Montségur, 1201
j’ai
l’habitude de ce genre de chasse.
Il descendit à son tour, prit l’arbalète que lui
tendit volontiers Guilhem, coinça son pied dans la bride, tendit la corde avec
le crochet, puis plaça un vireton et s’éloigna en gravissant un escarpement
opposé à la harde.
Il disparut et ils en profitèrent pour sortir les
gourdes et se désaltérer. En même temps, Guilhem examinait les alentours. On
n’apercevait aucune trace du comte Dracul ou des moines.
Soudain le troupeau s’enfuit vers le fond d’une
combe en suivant une piste abrupte. Quelques instants plus tard, Wolfram
apparut là où étaient les mouflons. Leur faisant signe, il leur cria de venir.
Quand Sanceline, Guilhem et Alaric arrivèrent, il
découpait déjà les cuissots de l’animal qu’il avait tué. Les quatre pièces de
viande furent attachées sur le cheval de bât et ils repartirent après avoir
abandonné la carcasse aux vautours qui tournoyaient déjà au-dessus.
Plusieurs heures après avoir aperçu les traces de
la tente du comte Dracul, ils découvrirent une bergerie. Ils traversaient un
coteau couvert de maigres taillis et la cabane, de deux ou trois cannes de
long, était construite sur un tertre, à l’orée d’un bois de pins. Les murs, à
peine haut de trois pieds, étaient en pierres empilées les unes sur les autres.
La toiture était faite de branchages protégés par des pierres plates pour que
le vent ne les emporte pas.
Tandis qu’Alaric contournait le tertre en se
dissimulant pour arriver de l’autre côté, Guilhem s’approcha prudemment,
veillant à rester hors de portée de flèche ou de vireton.
— Il n’y a personne, seigneur ! cria
enfin Alaric.
Guilhem fit signe à Wolfram et Sanceline
d’attendre où ils se trouvaient et le rejoignit. À la bergerie, il descendit de
son palefroi et pénétra à l’intérieur. Il n’y avait pas de porte.
L’endroit était jonché d’excréments de moutons et
de chèvres, mais aussi de crottin de chevaux, plus récent. Guilhem se baissa.
Le sol, mélange de terre, d’herbes et de déjections, avait tellement été
piétiné qu’il était impossible de déterminer combien de montures il y avait eu.
Quant aux hommes, ils étaient au moins trois, mais peut-être plus, d’après les
empreintes de pas. Le foyer en pierre était encore tiède, les cendres aussi.
Soucieux, Guilhem sortit et appela Wolfram et
Sanceline.
— Des gens ont dormi ici cette nuit,
seigneur, remarqua Alaric. Ça ne peut pas être le comte Dracul puisque sa tente
était plus bas.
— Je sais, fit Guilhem, soucieux.
— Des marchands, peut-être, suggéra Alaric.
— Qui seraient passés par la montagne, avec
la tempête ?
— C’est possible, seigneur, insista Alaric,
ils pouvaient venir d’Espagne.
— Peut-être. Dans ce cas, que Dieu les
protège si le comte Dracul les rattrape.
Eschenbach approchait avec Sanceline.
— Personne ? interrogea l’Allemand.
— Personne. Ceux qui étaient là sont partis
ce matin.
— Qui ?
— Alaric pense que ce pourrait être des
marchands venant d’Espagne.
Eschenbach descendit de son palefroi pour entrer
dans la hutte. Il en fit rapidement le tour et sortit.
— Ils avaient des chevaux. Les marchands
voyagent en mules ou avec des ânes, observa-t-il.
— Peut-être en avaient-ils aussi, remarqua
Alaric. Tout est piétiné.
— Oui, mais ils avaient au moins trois
chevaux ferrés. Sans doute plus. Ce n’étaient pas des marchands !
Guilhem hocha la tête.
— On pourrait passer la nuit ici, proposa
Alaric. Nous serions en sûreté.
— Non, décida Guilhem. Avançons encore deux
heures.
Ils repartirent malgré le froid et la fatigue.
Le soleil avait disparu derrière les montagnes
quand ils firent halte dans la forêt, près d’un ruisseau. Gelée en surface,
l’eau coulait sous la glace et hommes et bêtes purent s’abreuver. Ensuite, ils
construisirent une hutte, facilement, car il y avait beaucoup d’arbres morts.
Ils édifièrent même une sommaire barrière autour. Si les loups s’approchaient et
la franchissaient, ils seraient à la merci de leurs carreaux et ne pourraient
reculer. Si des hommes voulaient les surprendre, ils auraient les mêmes
difficultés.
Comme ils ne manquaient pas de bois, Alaric
prépara deux grands foyers qu’il alimenta en fagots et en grosses bûches
pouvant brûler des heures. On mit à cuire les gigots sur des pierres plates.
Les chevaux pansés et à l’abri,
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