Montségur, 1201
qu’ils
allaient chercher des chevaux à Puivert (dont le château était à trois lieues)
et qu’ils avaient perdu une des cordes pour les entraver.
Le bourrelier en avait une de plus de vingt
cannes, mais fit des difficultés pour la vendre. Il accepta quand même pour un
sou d’or, ce qui représentait plusieurs fois son prix.
Guilhem l’interrogea ensuite sur le passage
d’étrangers, en particulier de moines, mais ni lui, ni le sellier, ni le
maréchal-ferrant n’avait vu de voyageurs, sinon un rémouleur passé dans la
matinée pour aiguiser des lames. Il était cependant possible d’éviter le
village, expliquèrent-ils, car l’Hers se traversait facilement à gué en ce moment.
Le sellier avait toutes sortes d’étrivières, de
selles et d’arçons. En cherchant une bride neuve, Wolfram découvrit une
lanterne. Suspendue à trois chaînettes, c’était une simple corne contenant de
l’huile et une mèche. Guilhem l’acheta, prétextant qu’ils n’arriveraient pas
avant la nuit à Puivert. Comme il n’était pas certain d’avoir assez d’huile, le
sellier lui proposa une seconde corne, celle-ci avec un bouchon, qu’il emplit
de graisse, assurant qu’elle brûlerait aussi bien que de l’huile.
Ils empruntèrent ensuite le pont et gagnèrent le
haut de l’éperon rocheux surplombant la fontaine des fées avant de pénétrer
dans une épaisse forêt de sapins.
Tandis que ses compagnons restaient à cheval et
aux aguets afin d’éviter toute mauvaise surprise, Guilhem descendit de sa
monture. Guidé par le soleil qui perçait sous la frondaison des bois, il se mit
à compter mille deux cents pas en direction du midi. Autour d’eux, la forêt
était rassurante. Les oiseaux chantaient joyeusement et ils apercevaient des
cerfs et des biches.
Ils furent arrêtés par une falaise qu’ils durent
contourner. Guilhem reprit ensuite ses mesures, de plus en plus approximatives,
car il était impossible d’avancer en ligne droite à cause de fourrés
infranchissables et de nombreux ravins.
Ayant finalement jugé avoir compté un nombre de
pas suffisant, Guilhem repartit vers le couchant. La vigilance de Wolfram et de
Sanceline s’était émoussée tant ils étaient excités à l’idée de se rapprocher
du Graal. Seul Alaric avait parfois l’impression qu’ils étaient suivis, mais,
même en se retournant fréquemment, il ne put rien constater de tel.
Ils furent arrêtés par un ravin d’une trentaine de
pieds. Guilhem avait compté un peu moins de cinq cents pas.
— La cavité devrait se trouver aux alentours,
dit-il. Cherchons-la, mais faites attention à ne pas tomber dedans.
Ils attachèrent les chevaux. Alaric resta avec
Enguerrand pour les garder, tandis que Guilhem, Wolfram et Sanceline
fouillaient les alentours.
Ce fut Sanceline qui découvrit le gouffre. C’était
un profond trou en entonnoir envahi de lierre s’enroulant autour des arbres des
alentours. Bordés de sinistres sapins, l’endroit était silencieux et hostile.
Bien différent du reste de la forêt. Pas un oiseau ne s’en approchait. Le ravin
qui les avait arrêtés se prolongeait à quelques toises de là.
— Ce pourrait bien être ici, reconnut
Guilhem, s’approchant du trou avec prudence, pour ne pas glisser à l’intérieur.
— Tu veux vraiment descendre au fond de cet
abyme ? s’inquiéta Sanceline.
Il ne répondit pas tout de suite, scrutant la
cavité béante, obscure et sinistre comme une tombe. Guilhem ne craignait
personne dans un affrontement, mais s’il descendait là-dedans, il n’aurait que
lui comme adversaire. Il savait combien il était difficile de vaincre la peur éprouvée
dans les ténèbres, surtout dans les profondeurs souterraines. Que pouvait-il y
avoir au fond de ce trou ? Et si Lucifer avait placé là quelque créature
pour empêcher les hommes de reprendre le Graal ? Puis il se dit que si
Nicétas avait eu le courage d’y aller, il ne pouvait faire moins.
— Nous touchons au but. Espérons seulement
que la corde est assez longue, fit-il d’une voix égale.
— Je vais chercher les chevaux, décida
Wolfram, après avoir longuement regardé le trou avec appréhension.
Dès qu’il se fut éloigné, Guilhem et Sanceline
s’approchèrent du ravin, à quelques pas du gouffre. Il n’était pas profond,
mais la pente était raide, avec un pin rabougri qui poussait à mi-chemin et un
éboulis en contrebas.
— Guilhem, fit-elle, je veux que tu
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