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Montségur, 1201

Montségur, 1201

Titel: Montségur, 1201 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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Enguerrand lui avait
dit que Nicétas était venu prier au mont Salva, ce mont où, selon les deux chevaliers
allemands, se trouverait le château du roi Pêcheur, Guilhem fut piqué par la
curiosité.
    — Me diriez-vous ces raisons, seigneur
comte ?
    Vladislas de Valachie parut hésiter, peut-être
parce qu’il manquait de langage pour donner les explications nécessaires.
Finalement, il s’exprima assez lentement, cherchant ses mots :
    — Il y a… une cinquantaine d’années, un
schisme eut lieu entre les églises bogomiles de Bulgarie. L’évêque Nicétas de
Constantinople prit parti contre les schismatiques et il craignait que les
cathares du midi de la France rejoignent les dissidents. Pour les convaincre de
rester dans l’orthodoxie, il fit le voyage jusqu’ici. Ce fut la première raison
de sa visite.
    — La première… Il y en avait donc
d’autres ? s’enquit Guilhem.
    — Oui, mais elles sont difficiles à
comprendre, car liées au dogme des schismatiques…
    — Je n’en avais jamais entendu parler, dit
Guilhem, mais il est vrai que je m’intéresse peu à Dieu.
    — Peut-être vous intéressez-vous plus au
diable…, plaisanta le Valaque en gardant un visage impavide.
    — Peut-être, sourit Guilhem, assez
froidement.
    Après cet échange ambigu, un silence assez
désagréable tomba entre eux. Par chance, la neige qui voltigeait devint soudain
plus drue et ils durent se réfugier sous l’auvent de paille du maréchal-ferrant.
Cette connivence relança leur discussion.
    — Voulez-vous que je vous éclaire sur ce
schisme, seigneur de Lamaguère ? proposa le comte.
    — J’allais vous le demander, répondit
Guilhem, intrigué.
    — Les schismatiques assuraient qu’après avoir
formé Ève, le démon avait eu… un commerce charnel avec elle, et que Caïn était
leur fils.
    Le Valaque sourit, dégageant des canines pointues
et impressionnantes.
    — Une autre différence avec les bogomiles
traditionnels était que ceux-ci assuraient que le nombre des âmes ne peut
augmenter, tandis que pour les schismatiques, Lucifer était capable d’en créer
de nouvelles. Mais la différence fondamentale tenait à la nature même du démon.
Les dualistes traditionnels pensaient que le diable était mauvais par nature,
alors que les dualistes mitigés, comme on nommait les schismatiques, assuraient
qu’il l’était seulement devenu.
    — Je ne saisis pas cette nuance, fit Guilhem,
perplexe.
    — Les implications sont pourtant simples. Le
Dieu bon a créé les esprits. Son monde est le monde invisible où tout est bon
et parfait. Le Dieu mauvais, que les gens du peuple appellent le Diable ou
Lucifer, a créé les choses visibles et matérielles. Lucifer a donc formé nos
corps, il a fait le ciel que nous voyons au-dessus de nos têtes et il l’a orné
du soleil et des astres. La nature et les animaux, tout est son ouvrage.
Seulement, il n’a pas uniquement créé les choses visibles et corporelles, il a
aussi présidé à leur gouvernement. Il en est donc la Providence. Le Dieu bon
est complètement étranger à notre vie.
    Guilhem hocha lentement la tête.
    — Certes, c’est du Dieu mauvais que viennent
tous nos maux, toutes les catastrophes qui nous remplissent d’effroi, tous les
phénomènes qui ravagent la terre et qui détruisent les récoltes, mais c’est aussi
ce mauvais Dieu qui a donné à la terre la vertu de faire germer et fleurir les
plantes. C’est de lui que viennent le plaisir et le bonheur. Ces évidences
entraînent ces questions : Le diable est-il mauvais par nature ? Le
diable, qui était bon à l’origine, n’aurait-il pas été injustement expulsé du
ciel ?
    Guilhem sentit que le Valaque s’engageait dans une
voie qui conduirait n’importe qui au bûcher. Mais cet homme était un étranger,
d’une autre religion, et ce n’est pas lui qui allait le dénoncer !
    — Il vaudrait mieux taire ce dogme
schismatique ici, noble comte, observa-t-il seulement.
    — Je le sais, et c’est pourquoi j’hésitais à
vous en parler… Mais je crois pouvoir vous faire confiance.
    — Je vous en remercie, noble comte.
    À la chapelle, les cloches sonnaient depuis un
moment. La messe était terminée et ceux qui y avaient assisté en revenaient.
    Les premiers arrivèrent et passèrent devant eux.
Il y avait là le comte de Toulouse entouré de ses chevaliers, ainsi que
l’ambassadeur du roi d’Aragon.
    Saint-Gilles salua à peine Guilhem,

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