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Montségur et l'enigme cathare

Montségur et l'enigme cathare

Titel: Montségur et l'enigme cathare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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été
taillé en forme de vase dans une gigantesque émeraude tombée du front de
Lucifer, lors de la révolte de celui-ci et de sa chute [44] .
Ici, le thème se rapproche du catharisme : la pierre pourrait symboliser
ce qui reste de pur et d’angélique dans l’âme humaine après son emprisonnement
dans la matière. D’ailleurs, à ce sujet, René Nelli a proposé de voir en lapis exillis une déformation de lapis e cœlis , c’est-à-dire « pierre (tombée) des
cieux ». Cette hypothèse semble assez séduisante [45] .
    Mais, de plus, le Graal-Pierre de Wolfram ressemble beaucoup
au fameux joyau manichéen, récupéré par la tradition bouddhique, ce padma mani présent dans le cœur du lotus et qui est
le symbole solaire de la Libération. On le retrouve dans les traditions
hindouistes concernant l’Arbre de Vie. C’est aussi le Chwarna iranien dont parle l’ Avesta , objet magique et multiforme « qui fait
jaillir les cours d’eau de leur source, les plantes de la terre, qui fait
chasser les nuages par le vent, qui fait naître les hommes, qui guide la lune
et les étoiles dans leur cours ». Le Graal-Pierre de Wolfram possède les
mêmes qualités que le Chwarna . De plus, sur
cette pierre mazdéenne, se pose une colombe qui vient y apporter une graine de Hanna  : or, sur le Graal-Pierre, la colombe
vient apporter une hostie, le Vendredi saint, comme par hasard jour de la
résurrection du soleil nordique. Et que dire des peintures bouddhiques représentant
la Vierge divine portant le joyau qui dispense la
joie  ? Chez Wolfram, la jeune fille qui porte le Graal s’appelle Repanse del Schoie , c’est-à-dire « Repense de
Joie ». Tous ces détails accumulés constituent des faits précis et non des
hypothèses ingénieuses. Il nous faut bien admettre que Wolfram von Eschenbach a
consciemment, volontairement, transformé le « récipient » de Chrétien
de Troyes en Pierre tombée du Ciel dont la
signification et les fonctions se réfèrent incontestablement à une tradition
orientale, mazdéenne, dont le catharisme s’est nourri.
    Mais il existe bien d’autres concordances.
    C’est d’abord l’obsession de la pureté, commune au Parzival et au catharisme. Si le héros n’est pas
vierge, ni chaste d’ailleurs (sauf dans l’opéra de Wagner), il n’en est pas
moins en quête de la pureté absolue. Cette pureté, d’ailleurs difficile à
atteindre, n’était que simple « naïveté » chez le Perceval de
Chrétien. Mais pour Parzival, elle est consciente, et elle lui permet de
franchir toutes les étapes de l’initiation et de devenir l’incontestable roi du
Graal. Et son fils Lohengrin poursuivra cette quête, lui, le chevalier au cygne,
animal d’ailleurs bien symbolique, qui devra se séparer de son épouse, la
duchesse de Brabant, parce qu’elle a transgressé le terrible interdit quant à
son nom et à ses origines. Quand on est pur, on n’a pas besoin de nom. Et la
pureté mène à la Perfection, but suprême de l’ascèse cathare. Le roi du Graal a
atteint cette étape : il a définitivement résolu le dilemme bien-mal en
niant le mal. C’est la victoire d’Ahura-Mazda sur Ahriman, de Dieu sur Satan, du
Soleil sur les Ténèbres. Quant à la « porteuse de Graal », elle n’offre
plus rien de comparable avec la jeune fille sans nom de Chrétien, ni avec la
troublante impératrice bisexuée et multiforme du récit gallois de Peredur , ni avec Élaine, la fille de Pellès dans le Lancelot en prose , qui s’unit à Lancelot pour
engendrer Galaad. Repense de Joie est chaste. Elle est pure. Elle peut mourir, mais
elle renaîtra de ses cendres comme le Phénix.
    C’est ensuite la question que doit poser Parzival pour
guérir le Roi-Pêcheur blessé. Dans les autres versions, le héros doit s’enquérir
des mystères du Graal. Parzival doit simplement demander : « Roi, de
quoi souffres-tu ? » C’est l’idéal de la compassion, hérité d’un
lointain bouddhisme, et grâce à laquelle les âmes pourront enfin s’éveiller, se
dégager de leur prison corporelle, afin d’accéder aux joies extatiques de la
non existence au Royaume de Lumière. Le rituel évoqué ici par Wolfram n’est
certes pas chrétien. Il n’est pas celtique non plus. Il est indubitablement
cathare et rappelle le consolamentum . Quand Parzival
guérit le Roi-Pêcheur, celui-ci ne meurt pas, comme dans les autres versions de
la légende. Au contraire, Anfortas rajeunit et se consacre

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