Montségur et l'enigme cathare
château du Graal à
Montségur ou en pays cathare. Mais il n’en est pas de même pour une troisième
version de la légende, celle qui a été écrite par l’Allemand Wolfram von
Eschenbach dans son Parzival et aussi dans son Titurel , deux œuvres qui datent des environs
de 1210 et qu’on pourrait qualifier de Graal
germano-iranien . Là, le rapport avec le catharisme paraît certain, et
les détails si particuliers que l’on découvre dans le texte de Wolfram
fournissent une explication satisfaisante de l’intérêt manifesté par les « nordiques »
pour les Cathares ainsi que de la localisation qu’ils ont proposée du château
du Graal à Montségur.
En effet, en franchissant le Rhin, le thème du Graal a
trouvé dans le contexte allemand une maturation tout à fait originale par
rapport au schéma initial celtique. Certes, le Parzival de Wolfram von Eschenbach suit de très près la trame du Perceval de Chrétien de Troyes, ce qui est logique
puisque l’ouvrage en question nous est présenté par l’auteur comme l’adaptation,
voire la traduction pour certains passages, du roman français. Mais il s’en
faut de beaucoup pour que les détails soient concordants : il y a même une
rupture profonde entre les deux œuvres quant à l’esprit qui les anime. Ce qui
était légende mythologique héritée du fonds celtique et transposée, pour les
besoins de la cause, par les différents rédacteurs français selon les multiples
aspects de l’idéologie chrétienne à la mode, est devenu œuvre philosophique, voire
hermétique, en tout cas chargée d’éléments ésotériques assez repérables.
L’Allemagne du début du XIII e siècle
est en effet un creuset où des influences apparemment contradictoires se
confrontent, mais d’où surgira une spiritualité qui est loin d’être orthodoxe
comme a pu l’être la spiritualité cistercienne au temps de saint Louis. L’illuminisme
allemand apparaît déjà en gestation dans la poésie des Minnesinger, ce qu’a
fort bien décelé Richard Wagner dans Les Maîtres
chanteurs de Nuremberg , et le profil de Jacob Boehme se dessine déjà sur
l’horizon germanique. Le goût pour les rites secrets, pour les initiations – on
ne sait pas très bien à quoi – se développe et provoque la naissance de sociétés
dites secrètes où l’occultisme devient une véritable mode. Parallèlement, le
nombre des Alchimistes ne fait qu’augmenter, mais leurs motivations s’orientent
de plus en plus vers la connaissance des grands secrets de l’univers à travers
la Pierre philosophale. Et comme c’est l’époque des Croisades, on ramène d’Orient
non seulement des épices et des parfums, mais aussi des traditions qu’on
croyait oubliées, et les ordres monastiques créés pour la circonstance, tels
les Chevaliers teutoniques, se comportent d’une façon très « corporative » :
cela débouche sur la constitution de véritables sociétés initiatiques où l’on
agite des éléments empruntés aussi bien à la spiritualité chrétienne romaine qu’à
celle des Églises orientales, de certaines sectes, ou même de l’Islam, et
par-delà, à celle des courants qui ont agité l’Asie Mineure, l’Iran et les
abords de l’Himalaya.
Wolfram von Eschenbach, sans doute originaire de Bavière, a
vécu dans l’entourage du landgrave Hermann de Thuringe, dans un milieu qui s’était
toujours intéressé à l’occultisme. Il a écrit plusieurs œuvres inachevées, mais
son Parzival se présente comme un long poème
dont la partie centrale, de l’aveu même de l’auteur, est une adaptation du Perceval de Chrétien de Troyes. Toutefois le
romancier champenois n’a pas constitué sa seule source.
Tout le début de l’ouvrage relate en effet les aventures du
père de Perceval, ce dont Chrétien de Troyes n’a jamais parlé. Que Wolfram l’ait
inventé lui-même en voulant ainsi fournir une préface aux aventures de son
héros, c’est possible, mais d’autres éléments, notamment l’intervention d’un
demi-frère de Parzival, métis d’Européen et de Musulmane, ou encore la mention,
dans la dernière partie du poème, de Lohengrin, fils de Parzival, fondateur d’une
lignée célèbre dans l’Histoire et dans la Légende (Godefroi de Bouillon), paraissent
avoir été empruntés à des sources bien différentes, très éloignées de Chrétien
de Troyes comme de l’archétype celtique.
Wolfram, sacrifiant à la mode du temps qui veut que
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