Montségur et l'enigme cathare
par le Pêcheur à la lumière de
la Libération. Ce thème est d’ailleurs fort proche de la doctrine cathare :
il concerne l’éveil de l’âme angélique enfermée dans la matière et qui, sous la
direction d’un Parfait, va reprendre le chemin de la Lumière originelle.
Dans le texte de Wolfram, et nulle part ailleurs, le père de
Parzival s’en va combattre en Orient, du côté de Bagdad, et c’est là qu’il est
tué. Mais il a eu là-bas un fils, ce Vairefils (parfois orthographié Feirefils) dont le nom signifie « fils gris », avec
lequel Parzival accomplira une partie de ses aventures. Il y aurait beaucoup à
dire sur la présence de ce Vairefils aux côtés du héros, et sur son ambiguïté
fondamentale : en tant que métis d’Européen et de Musulmane, il devrait
simplement avoir le teint coloré ; or il est toujours présenté comme
« noir et blanc », et paraît, dans l’esprit de l’auteur, représenter
concrètement le principe dualiste. De toute façon, la référence orientale
apparaît ici particulièrement nette.
Wolfram place certaines aventures de Gauvain dans le palais
magique de Klinschor , ou Klingsor, personnage
qui prendra plus tard une importance extraordinaire dans l’opéra de Richard
Wagner. Or, le palais de Klingsor, minutieusement décrit par Wolfram, ressemble
d’étonnante façon à la description qu’on pourrait faire des monastères
bouddhistes du Kabulistan, et surtout du palais de Kapisa, avec son trône à
roulettes fantastique, comparable au Lit de la Merveille. Il est hors de doute
que l’auteur savait parfaitement quel était le modèle oriental qui servait de
décor à l’histoire qu’il racontait.
Dans le Parzival , le
château du Graal – qui n’est pas nommé chez Chrétien, mais qui s’appelle
Corbénic dans la Quête cistercienne – porte le
nom de Munsalvasche , autrement dit Montsalvage.
Le sens en est « Mont Sauvage » ou « Mont du Salut ». Mais
ce qui est très étrange, c’est que Wolfram nous en fournit une description
assez détaillée, et il est impossible de ne pas comparer cette description à
celle des citadelles manichéennes du nord de
la Perse, en particulier la forteresse de Ruh-I-Sal-Schwâdeha ,
sur le lac d’Hamun, en Sista, aux confins de l’Iran et de l’Afghanistan. Or, compte
tenu du fait que Ruh-I signifie « mont »,
Montsalvage n’est-il pas le correspondant exact de Ruh-I-Sal-Schwâdeha ,
sur le plan phonétique tout au moins ? C’est une ressemblance beaucoup
trop précise pour être due au hasard, et qui semble indiquer une influence manichéenne sur le récit de Parzival .
Ceci dit, il est impossible de faire coïncider Montsalvage
et Montségur. Il n’y a de parenté qu’entre les deux premiers termes de l’un et
de l’autre. Mais on comprend mieux pourquoi ce sont principalement les
Allemands qui tiennent à l’identification de Montségur comme château du Graal. Quoi
qu’il en soit, le texte de Wolfram n’est pas sans rapport avec les Cathares.
Dans le Parzival , et dans
ce récit à l’exclusion de tous les autres, le Graal est une pierre précieuse
sur laquelle se pose parfois une colombe identifiée au Saint-Esprit. Cette
pierre se nomme, du moins c’est Wolfram qui l’affirme, lapsit exillis , ce qui est peut-être à corriger en lapis exillis , lapis signifiant « pierre » en latin. On est maintenant convaincu que
Wolfram qui maniait correctement la langue française, mais sans plus, a commis
de nombreux contresens en traduisant le récit de Chrétien de Troyes (le plus
célèbre concerne le tailloir compris comme
étant des couteaux , alors qu’il s’agit d’un
plat à découper). On a donc proposé l’explication suivante pour le remplacement
du vase contenant le sang du Christ, ou du simple récipient dont parle Chrétien,
par une pierre précieuse : Wolfram aurait pris les pierres précieuses qui
ornent le Graal de Chrétien pour le Graal lui-même. L’explication n’est guère
satisfaisante, car tout le contexte justifie, dans le récit de Wolfram, le
choix d’une pierre. Il y a d’abord une allusion alchimique, lapis exillis étant très proche de lapis elixir , termes par lesquels les Arabes ont
désigné la Pierre philosophale. Ensuite, la pierre du Graal, d’origine céleste,
évoque irrésistiblement la pierre de la Ka’aba à La Mecque, et bien d’autres histoires
de ce genre, en particulier la tradition selon laquelle le Graal aurait
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