Montségur et l'enigme cathare
fut donc divisée en Gothie proprement dite et en Marche
d’Espagne. Cette Marche devint en 874 l’apanage de Wilfrid le Velu, comte de
Barcelone, qui partageait avec le seigneur de Carcassonne la suzeraineté sur le
pays de Sault, le Donnezan, le pays de Fenouillède, celui de Peyrepertuse et le
comté de Razès.
En 1020, le nom de Quéribus est cité pour la première fois
dans un document écrit, et, en 1066, Béranger, vicomte de Narbonne, prête
hommage à Guilhem, comte de Bésalu, pour le château de Quéribus, dont son
épouse, Garsinde, avait reçu les revenus en dot, de son père Bernard Taillefer.
Au XII e siècle, par le jeu des
successions et des alliances diverses, le château de Quéribus faisait partie d’un
grand ensemble territorial dépendant de quatre maisons comtales : Bésalu, Cerdagne,
Barcelone et Provence. Mais à cause de la situation particulière de ce pays, toujours
en zone controversée et disputée par les uns et les autres, les ruines s’étaient
accumulées, et il ne restait presque rien de la grandeur passée. C’est donc
dans un pays vidé de ses habitants et de ses ressources que vinrent se réfugier,
à la fin du XII e siècle, de nombreux
Cathares fuyant les persécutions dont ils commençaient à être l’objet.
Mais il faut attendre 1209 pour que s’engage la fameuse Croisade
contre les Albigeois. Le 22 juillet de cette année 1209, les habitants de
Béziers sont tous massacrés. Les places fortes occupées par les rebelles
hérétiques tombent les unes après les autres sous la poussée des troupes
commandées par Simon de Montfort. En août, Carcassonne capitule. L’année suivante,
en juillet 1210, cent cinquante Cathares sont exterminés à Minerve. Au mois de
novembre, le château de Termes est pris après un siège de quatre mois. En 1211,
c’est au tour de la place de Lavaur : les massacres se font systématiques.
La défaite de Muret, le 12 septembre 1213, marque la fin de la première
Croisade : tout le pays cathare est occupé, excepté le Fenouillèdes et le
Peyrepertusès dont fait partie Quéribus. Les petits seigneurs de la région sont
tous des sympathisants cathares, mais en tant que tels, ils sont dépossédés
officiellement de leurs fiefs : ils deviennent ce qu’on appelle des « faidits ».
Mais la croisade guerrière est définitivement terminée par
le traité de Meaux, signé en 1229. Désormais, la lutte contre l’hérésie – et
pour la mainmise française sur l’Occitanie qui en est inséparable – est confiée
aux Inquisiteurs, ceux-ci pouvant à tout moment demander le secours des troupes
royales et des vassaux apparemment ralliés au roi de France. Dans les Corbières,
on assiste alors à un grignotage patient des dernières places fortes occupées
par les Cathares ou leurs sympathisants.
Quéribus est alors sous la responsabilité du chevalier
Chabert de Barbaira, ancien ingénieur militaire du roi d’Aragon et qui, à la
mort du vicomte Pierre de Fenouillet, en 1242, est investi de la totalité du
pouvoir militaire sur les châteaux encore indépendants de la région. C’est un
homme acquis aux idées cathares et qui s’efforcera de protéger les rescapés des
bûchers et des batailles de la Croisade. En 1230, l’évêque cathare du Razès, Benoit
de Termes, est venu s’installer à Quéribus. Il y mourra en 1241. Un document de
l’époque précise qu’à Quéribus, on pouvait rencontrer de hauts personnages de l’hérésie,
en particulier le diacre Pierre Paraire, un certain Raymond de Narbonne, et un
autre hérétique du nom de Bugaraig : ce dernier nom semble en rapport avec
l’un des lieux les plus étranges du Razès, Bugarach, à la fois sommet
occidental de la crête méridionale des Corbières et probable souvenir des
Bulgares, ou des « Bougres », qui semblent être les ancêtres des
Cathares d’Occitanie.
Bien entendu, au lendemain de la chute de Montségur, Quéribus,
qui est une forteresse aussi inexpugnable, prend une importance considérable et
fait figure d’une seconde « synagogue de Satan ». Mais rien n’est
tenté contre Quéribus. Les sénéchaux de Carcassonne se contentent de s’emparer
de châteaux moins bien défendus et moins bien situés, comme Padern et Molhet, en
1248, ou encore Puylaurens et Saint-Paul de Fenouillet, en 1250. Cependant, l’étau
se referme inexorablement sur Quéribus.
À son retour de croisade, en 1255, Louis IX, qui veut
assurer à Carcassonne une
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