Montségur et l'enigme cathare
constitué une
frontière entre le Languedoc et la Catalogne, entre la France et le Roussillon,
comme on dit dans les livres d’Histoire.
Vers le nord, les pentes de cette crête rocheuse où dominent
tantôt la pierre brûlée par le soleil ou fendue par le gel, totalement dénudée,
tantôt la garrigue parsemée de pins, de thyms et de romarins, sont bordées par
le ruisseau de Cucugnan, un affluent du Verdouble. C’est en effet là que se
trouve le village de Cucugnan, célèbre depuis Alphonse Daudet – ou plutôt
depuis son « nègre » Paul Arène, qui écrivit pour lui les Lettres de mon moulin – que l’on a tendance à situer
en Provence en oubliant que Daudet était languedocien. Mais après tout, le
sermon bien connu du curé de Cucugnan n’est-il pas dans le ton des Inquisiteurs
et des Frères Prêcheurs qui promettaient l’Enfer aux sectateurs de l’hérésie
dualiste ?
Vers le sud, la falaise rappelle les abîmes de Montségur. On
s’y sent pris du même vertige. La pente plonge brusquement vers la rivière de
Maury, affluent de l’Agly, et qui a donné son nom à un village et au terroir
qui produit des vins réputés. Le paysage est grandiose, peut-être moins
prestigieux qu’autour de Montségur, peut-être moins dressé vers le ciel, moins
en contact avec la neige, mais tout aussi impressionnant, en tout cas plus
chaotique, plus fragmenté, en fait beaucoup plus secret. Quand on parcourt la
montagne, on peut découvrir, çà et là, dans les petites vallées ou sur les
parties abritées des versants, des bergeries abandonnées ou en ruines, qui
témoignent d’une importante vie pastorale dans les siècles passés. Et puis il y
a les vignes qui grimpent le plus haut possible, la seule richesse actuelle de
ce pays déshérité.
Pourtant l’homme a toujours habité ce massif des Corbières. Les
fouilles archéologiques font apparaître un peuplement du Paléolithique
supérieur le long de la vallée du Ver-double, à Tautavel et dans les grottes du
Grau de Padem, très proches du site de Quéribus. À l’époque mégalithique, il y
a eu également des établissements, et quelques vestiges ont été signalés, comme
un menhir, près de Cucugnan, menhir aujourd’hui disparu comme bien d’autres
témoins. Et, à l’Âge du Fer celtique, la région était occupée par le peuple
gaulois des Volques Tectosages, ceux qui sont vraisemblablement à l’origine de
la célèbre croix occitane, récupérée ensuite par les Cathares, puis par les Huguenots.
À l’époque romaine, quand le pays fut devenu une province, la
Narbonnaise, les hauteurs des Corbières devinrent d’excellents belvédères pour
observer ce qui se passait sur le littoral : il ne faut pas oublier que la
côte languedocienne a constitué une importante voie de migrations. Hannibal et
ses Carthaginois y passèrent, venant du sud de la péninsule Ibérique et se
dirigeant vers l’Italie. Les Romains y créèrent la voie Domitienne qui leur
assura la maîtrise de cette même péninsule Ibérique. Comme les Romains avaient
découvert des gisements métallifères dans les Corbières, de nombreuses routes
secondaires furent tracées pour assurer leur exploitation. Le long de ces voies,
dont l’une passait par Cucugnan, venant de Tuchan et se dirigeant vers Bugarach,
furent bâties de nombreuses villas gallo-romaines dont on a retrouvé de
substantiels vestiges.
Puis, cette voie Domitienne fut la route d’invasion des
Wisigoths qui, en 419, supplantèrent les Romains. De là, les Wisigoths s’éparpillèrent
dans ce qui allait devenir la Septimanie, avant d’être vaincus par les Francs
en 507. Dès lors, les Corbières devinrent la frontière septentrionale du
royaume wisigoth. Mais la Septimanie tomba bientôt aux mains des Musulmans qui
n’en furent délogés qu’en 759 par Pépin le Bref : au début du IX e siècle, le pays de Peyrepertuse, qui englobait
le site de Quéribus, faisait partie d’un important territoire donné par
Charlemagne à son cousin Guilhem, en récompense de ses victoires sur les
Sarrasins.
Mais le pays supportait mal la domination carolingienne. Le
peuplement était en effet très disparate et les différents peuples qui s’y
étaient établis avaient chacun laissé des marques profondes. L’ombre
mérovingienne subsistait en certains endroits, et des troubles éclatèrent, ce
qui détermina Charles le Chauve à partager en deux la Septimanie pour mieux la
maîtriser. En 865, elle
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