Montségur et l'enigme cathare
reddition de la
forteresse. Un document précise qu’il promet d’observer les conditions qui lui
ont été dictées « à peine de mille marcs d’argent sous caution de Philippe
de Montfort et de Pierre Voisins ». Par la suite, Chabert de Barbaira est
mentionné trois fois dans des actes officiels, notamment le 12 septembre
1278, lors de la signature du partage d’Andorre, entre l’évêque d’Urgel et le
comte de Foix. Cela prouve qu’il était rentré en grâce.
Quant aux Cathares qui avaient trouvé refuge à Quéribus, on
ne sait pas ce qu’ils sont devenus, aucun document ne signalant leur sort. Il
est cependant probable que, la forteresse de Quéribus n’ayant point été prise, ni
rendue sous la contrainte d’un siège, les Cathares se sont éparpillés dans la
nature, comme on dit, cherchant à se faire oublier, et peut-être émigrant en
Italie du nord. Le « dernier boulevard de l’indépendance méridionale »
venait de tomber, sans gloire, mais aussi sans massacres inutiles. C’est
peut-être pourquoi Quéribus n’a pas la réputation de Montségur. Il eût fallu
pour cela qu’on y brûlât des hérétiques.
Par la suite, la forteresse devient, sous l’autorité du roi
de France, le pivot de tout le système de défense entre le Roussillon et la France.
En 1258, d’importants travaux y sont entrepris, ce qui, comme à Montségur, fausse
considérablement la vision qu’on peut avoir du bâtiment cathare. En 1260, la
garnison, peu nombreuse, mais efficace, comprend un châtelain et dix sergents d’armes.
En 1321, les murailles sont encore complétées et renforcées. En 1473, le
château est pris par les troupes du roi d’Aragon venues libérer le Roussillon d’une
occupation française, mais la place est reprise par les Français en 1475. Et c’est
en 1659, lors du traité des Pyrénées, qui confirme l’annexion du Roussillon par
la France, que Quéribus perd toute importance stratégique. Occupée jusqu’en
1789 par la famille Castéras Sournia, la forteresse va bientôt être la proie du
vent et des souvenirs.
Il faut cependant admettre que Quéribus est non seulement
impressionnant par sa situation, aussi étonnante que celle de Montségur, mais
également énigmatique. Ce n’est peut-être pas seulement en raison de sa « sûreté »
que les Cathares, comme à Montségur, s’y sont rassemblés. Certes, toujours
comme à Montségur, il est impossible d’arriver à des certitudes tant par le
manque de documents écrits que par les transformations qui ont été apportées au
château primitif, mais des questions se posent. Et d’abord cette volonté folle
de se trouver sur un sommet, dans des conditions de vie très difficiles, mais
en contact avec le ciel, renforcerait les hypothèses controversées et
contestables émises à propos des « temples solaires » des Cathares.
Quéribus est évidemment un « nid d’aigle », et
comme on l’a dit, « un faucon solidement cramponné au poing fermé d’un
rocher ». L’expression, qui est due à Gaston Mouly, est tout à fait juste,
et en plus, elle est jolie. Quand on s’avance sous la forteresse, on ressent d’autant
plus une sensation de puissance et de témérité que l’architecture, telle qu’elle
apparaît au premier abord, est d’une sobriété exemplaire. Un large sentier
monte régulièrement le long du versant nord de la montagne, le moins escarpé, jusqu’à
un terre-plein délimité au nord-ouest par une muraille aujourd’hui arasée. De
là, un escalier parfois creusé dans le roc, parfois construit en pierres de
taille, franchit les vestiges d’un premier seuil et amène, au travers de
chicanes, à l’entrée de la forteresse. Et là, contrairement à Montségur, il y a
trois enceintes successives, disposées en paliers et dominées par le donjon.
L’enceinte basse comporte trois parties. La première est destinée
à défendre l’escalier d’accès, et elle est constituée par une muraille orientée
du nord au sud. La seconde, qui va dans le sens est-ouest, protège l’entrée, avec
un « assommoir » ménagé dans un retrait du parement intérieur et
voûté en plein cintre. Un troisième mur remonte vers l’est, enfermant cette
première enceinte. À l’intérieur, un escalier suit l’abîme et débouche dans la
deuxième enceinte, formée d’une gigantesque muraille, où se voient encore les
vestiges d’une grande salle rectangulaire, probablement un poste de garde,
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